jeudi 29 avril 2010

Apostrophes





Apo' ça veut dire un peu
loin
ou à peu près
au moins
appeau prêt
propret
dans les flops adipeux
de lubrifiantes strophes
et d'édifiantes catastrophes :
on en a fabriqué des mots terribles sur ce préfixe !
et collé tant d'affiches à la Patafix !
pendant que nos amours pendaient aux lèvres de leur apostrophe
lu beaucoup de livres afin de masquer de romanesque le romantisme
et de noyer dans le silence des pages la musique des aveux
et de reporter au journalisme des sentiments vagabonds
les minutes qu'on omettait d'écrire sur le parchemin de nos enveloppes charnelles
parce qu'on était un peu loin de la strophe
parce qu'on était un peu loin du paragraphe
parce qu'on était un peu loin de ce que l'on écrivait pour nous à notre place
et que l'on avançait par bonds
dans la lecture de cette chanson d'un geste inconsidéré
sidéré
par le bonhomme de Laplace
qui se met dans le sens du courant
la main tendue comme dans un fascisme
vers des axiomes éternels
sans penser jamais qu'à contre-courant
existent d'autres magnétismes
d'autres voies
d'autres voix
d'autres cadres de lecture
un peu comme sur l'échelle de l'ADN
et de la mutation des gènes :
un peu comme un changement d'éditeur
dans les ronéotypes de nos vies courantes
un peu comme un roman de tueurs
au vagues d'une lie mourante
et du verset d'une bible babillarde
sur les sonnets sonnés au gong d'un dernier round en papille hard
la bave aux commissures
et la langue pendante
la balle au commissaire
harangue pan-Dante
pour un purgatoire en salle des pas perdus
pour un sillon que la bêche endente
aux mâchoires de nos cultes indus.

Sur le tombeau des émissions littéraires sulfureuses
je suis venu poser des boutons d'or
des boutons d'or à ma vareuse
et des coquelicots
ce n'est pas difficile
ils poussent entre les graviers des pierres tombales
nourris qu'ils sont du sang des poètes
sinon sur l'îlot du grand Bé
bouche ouverte au granit scellé qui enferme Chateaubriand dans un mausolée digne de Gavrinis
l'île de la chèvre
de l'autre côté de nos Bretagnes
où ne poussent que la lande et les pierres
et le fleuron des lettres francophones
– puisque les français nous ont donné leur langue –
Lammenais, Renan, Corbière
et Grall et Jacob (j'en veux à max' !)
et Guillevic et Queffelec (père et fils comme Corbière !)
et Brizeux sur ses brisants
et Saint-Pol-Roux et Mac Orlan
et tant d'autres encor méconnus...
Alors, je suis venu déposer des verbes de fleurs
sur le concept oublié de l'écriture
et deux trois gerbes de pleurs
sur cette mise en bière
de l'espoir intime à la littérature
des chrysanthèmes
forts en thème
que je n'ai pas acheté sur le grand marché de l'édition
ni troqués sur celui de la presse qui s'empresse
à combler les trous creusés par la nouvelle Sion
du WEB 2.0.

J'ai donc croqué les pissenlits
– non par la racine, mais au fusain qui s'infusait aux feux étouffés de mes désirs de semblance –
comme d'autres les tournesols
ça pousse partout ces saloperies !
comme le talent...
ça pousse dans les basses-couches sociales
comme les champignons
ça pousse en dehors des potagers jardinés dans les grandes écoles
ça pousse même dans les banlieues les plus pourries !
ça pousse comme la mauvaise herbe et vous n'y pouvez rien !
et ça s'aime et se sème à tous les vents
et ça s'appelle la vie, l'art et le bonheur :
c'est fait de détresses et de naufrages
c'est rarement fait de nos suffrages
– mis à part le cas Mandella –
ça vient rarement le dire à la télé
ça reste enraciné sur place
loin du bonhomme à Laplace
loin du magnétisme de ces tubes cathodiques
foin des succubes catholiques
ou déversés sataniques par les extrémismes
– le slam ou l'islam ? –
ou revendiqué pour des dérives politiques
– sionisme ou perfectionisme ? –
ça pousse et ça fait chier le monde des conformismes
ça fait chier les curés, les rabbins, les imams
le pissenlit est une fleur tenace
jamais non rien ne la menace !
Il est à la boutonnière de monsieur Larousse
dans la musique de Rachmaninov
entre les doigts divins de ma sculptrice rousse
et l'ingrédient de mes mélanges Molotov
et tant qu'un continent se pisse en lit
pour des cartes de France ou d'un autre pays
pour Descartes, Molière ou bien Racine
la plante est bien en Terre et s'enracine
et donc à chaque vers
à chaque strophe
c'est tout son univers
qu'on apostrophe.

2 commentaires:

Morgan a dit…

Comment ne pas se laisser emporter par ton lyrisme ! On dirait que, par moments, tu empruntes la voie Ferré tellement ça hurle et ça cogne ! Je ne puis donc qu'adhérer.

Michel P a dit…

ça me fait bien plaisir qu'on sache écrire de concert, amigo !