vendredi 26 octobre 2018

Dissidence



On aura beau philosopher
dans les boudoirs des ambassades,
et s'échiner à parapher
le bel envers de nos glissades,

on restera — pauvre Socrate —
addict', esclave et dépendant
de notre aparté démocrate
où je vécus en dissident.

J'étais comme un poison dans l'eau
le verbe abstrait que l'on dilue
pour en larguer d'un pédalo
la caisse usée qui nous pollue.

Le corps est creux des résonances
oubliées par de vains artistes,
et de leurs faibles assonances
on ne retient que leur air triste...

Où sont les sons de vos poèmes
et les baisers de vous groupies ?
Les illusions de vos bohèmes
ont accouché des mes harpies.

De ces arceaux dans les arts pires,
où notre cerveau reptilien
songe à nicher tous ces empires,
il me reste un réflexe îlien :

celui d'un gars du bout du Monde
inondé de sa Baie des âmes,
et qu'un réel en fait immonde
à tout moment volé désarme.

Unissons les chants de nos vents
dans les tuyaux de l'espérance,
et souffrons même en nos boyaux
qu'elle ait parfois cet aspect rance...

Empoisonneuse et fugitive
est ma passion pour la ciguë
que l'on consomme impérative
au moment de la crise aiguë.

https://soundcloud.com/annaondu/dissidence

dimanche 21 octobre 2018

Le savant




Nous réglerons un jour un peu du contentieux
qui nous dressa l'un contre l'autre,
un autre jour au loin, dans l'infini des cieux
dont l'éther est sniffé, l'apôtre !

Un canif à la main d'un gosse offrant la sienne
aux chemins creux du Gévaudan,
pour quelques champignons cueillis sur des anciennes
illusions de la Bête à dents,
brillait de cet éclat — du chef il Opinel —
infiniment confiant, confié
par la main de son père à la vie qu'un tunnel
au labyrinthe allait convier.

Si l'entropie croissante et le second principe
avaient pour thermodynamique
un meilleur argument, qu'un passé participe
à décoder tant de mimiques,
on résoudrait probablement les équations
de nos différents ciels abstrus,
nos peuples intérieurs auraient pris pour Nation
la même tribu sans intrus.

Je t'observe en tremblant : ta faiblesse infantile
est le retournement stupide
entre l'enfant mûr et le périssodactyle
— un cheval-bascule intrépide —
entre existence et mort, entre amour abandon ;
nous consumons à petit feu
ce qui nous sert d'éclair et nous sert de brandon,
ce qui nous éclaire étant vieux.

Nous réglerons un jour un peu du contentieux
qui nous posa l'un à la suite,
un autre jour au loin, dans l'infini des cieux
dont l'éther est sniffé, par fuites...

https://soundcloud.com/annaondu/le-savant

vendredi 12 octobre 2018

Bris de vie






On est des animaux de verre
à la fourrure accidentée,
dont le passage un peu sur Terre
est foin d'une paille écourtée.
Je suis aussi Patrick Dewaere
à l'incongrue fragilité,
tu es Romy devant-devers
un Cinéma facilité...

Facilité par l'intuition
que n'aiment pas nos sociétés,
nos distendues fréquentations
tombant comme un slip empoté
sur notre désincarnation,
sur un écran de cécités
s'offrant nos propres projections.

L'objection tâchant notre honneur
est bien loin des sénilités ;
la Mort est un vieux poinçonneur
accrochant des Lilas gâtés
sur des tickets dont la longueur
est à géométrie ratée,
marquant d'un fer avec rigueur
un brin de ruine horodatée.

De ceux qu'on perd un éclat reste,
éblouissant de sa clarté
les tourbillons qui vont de Brest
au cœur de l'intériorité.
Parfois, des tessons qui l'attestent
épousant l'image annotée,
s'en font le concret manifeste.

On se croit si souvent servi
dans l'orgasme ou l'alacrité,
pourtant partout le temps sévit ;
richesse ou bien médiocrité,
la Mort ajuste son devis
comme un monteur ayant monté
débris de verre en bris de vie.

https://soundcloud.com/annaondu/bris-de-vie

Tanka du 12 Octobre 2018


Balle de soleil
Elle au-dessus des filets
Plafonne aux nuages
Et d'écailles poissonneuses
Emplit son poumon cyclope



samedi 6 octobre 2018

Corps vidé



On pourrait naviguer dans des sortes de nasses
et se noyer aussi dans leur épais filet,
deux voies s'offrant en gare où je lus mon Parnasse,
il me fallait l'interstice où me faufiler.

L'infime intervalle où le ruisseau des pensées
rejoint ton estuaire et toutes tes commissures,
un Delta dont l'erreur est la mort annoncée,
dont l'errance à ton bras n'est que la moisissure.

Aimer écrire, écrire « Aimer », mais — lacrymal —
alarmer de l'armée des mots l'alacrité,
me rend mâle à femelle et ta fleur à mon mal.

La couleur d'un corbeau dont la médiocrité
dissimule assez bien le talent littéraire,
est venue de sa plume éclairer les terreurs.

https://soundcloud.com/annaondu/corps-vide

mercredi 3 octobre 2018

Orpaillage



Je baignais dans ton huile et son lac en mercure,
orpaillant de mon mieux ton iris épanoui ;
t’aimer en t’écrivant m’étais la sinécure
à laquelle en mes vœux je m’étais évanoui.

Je sais le poids des mots, celui des métaux rares ;
écrire est l'industrie toxique et très plombée
d'un pic incidemment plongé dans le curare
et dont pourtant leçon vous laisse bouche bée.

Des cylindres ronflaient comme des tuyaux d'orgues ;
on en sentait la fugue où l'Amour y perdure,
et le Poème était comme l'eau de la Sorgue,
en partage entre nous d'héritage hyper-dur.

On composait une ode à la femme sans âge,
à son trait lunatique et fantasque à dessein ;
mais j'aimais à ce point caresser ton visage
à la plume adoucie, qu'il était comme un sein.

Lorsque la fleur affleure à la larme de l'encre
et que le stylet grave en ses aigus tes angles,
on te dirait sortie de ma cuisse où le chancre
accouche endolori des tourments de la langue.

À nulle autre pareille est la beauté lunaire
et le vert de la pomme en tes yeux de velours ;
on maudirait de toi ton reflet dans mes nerfs,
il m'en resterait tant que léger serait lourd.

https://soundcloud.com/annaondu/orpaillage