mercredi 30 septembre 2009

PALINDROME



Puisque  les   routes  qui  nous  ramènent  à  RomE,
Ayant  dans  leur   maquis   les   poisons  de  l'aruM,
Lignes   rondes    pareilles   au    mur   d'un    igloO,
Ignorent   l'appareil    des    mineurs    de   la  RuhR,
Nous poursuivons des  voies dont notre sort dépenD,
Dont les impairs  se voient tels des plumes de paoN,
Rassemblant  les  troupeaux  de  ce  désert  MaasaI
Où  les  idées  trouent  peau  s'amassant  en  séraiL,
Malmenant  heure et  date  où  le  terme  adviendrA,
Et  qu'ôtant  à   la   hâte,   on   recouvre   d'un  draP.

Extrait d'un courrier à Georges Izambard, son professeur de lettres...

"...- Je serai un travailleur : c'est l'idée qui me retient, quand les colères folles me poussent vers la bataille de Paris, - où tant de travailleurs meurent pourtant encore tandis que je vous écris ! Travailler maintenant, jamais, jamais ; je suis en grève.
Maintenant je m'encrapule le plus possible. Pourquoi ? Je veux être poète, et je travaille à me rendre voyant : vous ne comprendrez pas du tout, et je ne saurais presque vous expliquer. Il s'agit d'arriver à l'inconnu par le dérèglement de tous les sens. Les souffrances sont énormes, mais il faut être fort, être né poète, et je me suis reconnu poète. Ce n'est pas du tout ma faute. C'est faux de dire : Je pense : on devrait dire : On me pense. - Pardon du jeu de mots.-
Je est un autre. Tant pis pour le bois qui se trouve violon, et Nargue aux inconscients, qui ergotent sur ce qu'ils ignorent tout à fait ! ..."

Arthur Rimbaud, 13 Mai 1871

mardi 29 septembre 2009

L'assassin Michel



à mes deux demi-terres,


Si l'on tue « Je », « Nous », « Vous », « Ils », qui sont autant « d'Autres »,
à quoi bon rendez-vous de sa moitié à l'autre ?
Est-il donc d'elles deux, utile de tresser
tant de palmes aux dieux que l'on put psalmodier ?

Il fut tant d'eau céans et tant d'ouvertes portes,
d'écume d'océan recouvrant ma mer morte,
que je fus le tombeau de cette mise en bière,
dont je me servais brocs pour mes deux hémisphères.

Rappelle-toi de Pont-Croix et de son fol estuaire,
de ton chemin de croix en ce mort Finistère...
Rappelle-toi d'Audierne et des sables brûlants,
de ses riches tavernes en leur rythme lent !

Rappelle-toi Michel, du tissu de la nuit,
de ses mains et des ciels étoilant Pont-de-Buis !
Rappelle-toi aussi des automnes sans fin
et des pluies de soucis grêlotant sur ta faim...

Rappelle-toi des feux de ta baie préférée
où, descendu des cieux, Dieu s'est vu enferré !
Rappelle-toi l'enfer érubescent des soirs
sur Sainte-Anne, la mer et tout ton désespoir...

Je pars,
---------vers l'autre demi-terre de ma vie,
La part
---------restant à mon songe de Paris...

Y verrai-je Montmartre, y verrai-je mon meurtre ?
Y serai-je la dartre où mes rimes se heurtent ?
Des cerises fleurir sous les chœurs des clochers,
qu'un pigeon de jaunir n'a de cesse à les chier ?

Si des vains écrivains il fallut tant de glottes,
que léchassent enfin tes rumeurs polyglottes,
souviens-toi, ô Paris, de l'errance des tiens
dans tes rues, des paris de ces fous parisiens !

Nous vivions l'incrément des mots en leur décharge,
publics, rhumatismant, baveux, depuis la marge
jusqu'aux lèvres rubis que nos créations rêvent,
et nos plèvres punies par les toux dont on crève...

Grand Paris, gai Paris, hémistiche insensé
où les sons se marient aux passants impensés,
tu méprises nos odes aussi, là c'est sûr,
d'un peuple myriapode ignorant nos césures.

Si tu t'es contenu dans le globe neigeux
d'un verre abscons ténu, pour en déjouer le jeu,
tel un dôme hyper-rond sur le Mont-Saint-Michel,
accueille en ton giron ton assassin Michel !

lundi 28 septembre 2009

La vierge en bleu




S'il fallait retenir quelques flammes d'un feu,
ce serait d'une femme un bouquet de cheveux
encerclant l'éclat fou verdoyant de ses yeux,
et le sang de sa moue, ondoyant et précieux.

S'il était dit d'un seul trait que mon cœur soit en perce,
que je n'ai plus d'attrait que pour cette vue perse,
ce serait d'Athéna le carquois de la herse
de ses doigts que tiendra la fatigue où je berce !

Il se lit sur sa bouche un cœur juste entrouvert,
dont nul ne sait la touche à chanter en trouvère,
et sa pâleur bruissant aux reflets de nos vers...

Or, de ce bruyant sang jaillissant à l'envers,
sur sa lèvre diaphane où les mots sont couverts,
est une fleur qui fane, attendant son hiver.

samedi 26 septembre 2009

Manutortionnaire


S'il faut garder de ces corps nus
la liste qu'il a besognée,
d'un triste tableau devenu
la chasse d'eau qu'il va tirer,
de l'ouvrier des compulsions
je voulais vous entretenir,
laissant de côté les passions
pour ce que cul put en ternir...

Des femmes qu'il tire à la chaîne
en laissant miroiter l'espoir,
nulle ne sait (nulle n'est chienne)
que c'est un amour illusoire,
car chez ce sémillant pervers
arrachant l'âme à la main nue,
ce sont des cendrillons de verre
qu'il va remettre à son menu.

Faut-il le plaindre au su qu'il souffre,
lui-même ne le sachant pas,
baignant dans son odeur de soufre
quand son cerveau fait les cent pas ?
Car ses cercles sont si vicieux,
si viciés qu'il ne ressent pas
le mal en lui qui pernicieux,
ronge le mâle aux faux appâts.

Toute douleur est partagée,
parfois par force à grands dégâts,
et les violeurs de cœurs âgés,
qu'ils soient conscient d'être des gars
dont la dérive meurtrière
aux sentiments, d'écart elle est,
et qu'en bons manutortionnaires
ils finiront écartelés.

vendredi 25 septembre 2009

L'horloger par là-même en saigne...

Pour douze pieds d'alexandrin, ce sont douze heures
qui s'écoulant entre leurs mains comme le sable,
marquent le temps sans carapace et sans douceur,
où tous, épiés par ce rapace, ont l'heur cassable...

Lui l'horloger le connaît bien ce clou du sort,
ce flux sanguin et quotidien qui nous échappe,
et c'est sans gain qu'il nous répare en ces ressorts,
l'heure et le jet du temps qui part laissant sa chape.

Sur ses cadrans tourne l'aiguille où l'on se pique,
et la trotteuse, en belle anguille allant son train,
semble ânonneuse à son tic-tac aussi tactique.

Tous les quatre ans sont des contacts à mes quatrains,
dès lors, logeuse est la béquille où l'horloger,
de ses cardans si plein de tact, les a logés.

Parallèlismes


Vénus Anadyomène


Comme d’un cercueil vert en fer blanc, une tête
De femme à cheveux bruns fortement pommadés
D’une vieille baignoire émerge, lente et bête,
Avec des déficits assez mal ravaudés ;

Puis le col gras et gris, les larges omoplates
Qui saillent ; le dos court qui rentre et qui ressort ;
Puis les rondeurs des reins semblent prendre l’essor ;
La graisse sous la peau paraît en feuilles plates ;

L’échine est un peu rouge, et le tout sent un goût
Horrible étrangement ; on remarque surtout
Des singularités qu’il faut voir à la loupe.....

Les reins portent deux mots gravés : Clara Venus ;
— Et tout ce corps remue et tend sa large croupe
Belle hideusement d’un ulcère à l’anus.

                                                        Arthur Rimbaud, 27 juillet 1870.




Clotho
Camille Claudel, 16 Janvier 1895

jeudi 24 septembre 2009

Ramendeur de défilés



J'ai ramendé des défilés,
la gorge ouverte sur l'ailleurs,
et ces résilles m'ont filé
des maux de forge sur le cœur...
Des défilés fielleux de modes
basculant à qui et à quand,
dans des extrêmes peu commodes
et leur carême inconséquent.
J'ai ramendé ces liens tendus
comme des fibres élastiques,
au dessus du vide ténu
de nos séparations critiques.

J'ai quémandé des bénéfices
pour ces instants écartelés
sur l'entreprise « Peine & fils »
des marieurs aux cadres laids,
réprimandé ma propre envie
et mes fugaces illusions
dans des rayons de librairie,
de littéraires allusions...
Mais naze est ma nasse, et menaces
pèsent à présent sur mon col :
j'ai Damoclès et ses comparses
à me souffler des cas d'école !

« Tu sais, la liberté c'est l'autre,
et la prison : la solitude. »
Alors soyons de bons apôtres
au volant de l'incertitude :
au gouvernail de nos recherches,
quand on a mis la barre à l'ouest,
qu'on attend qui nous tend la perche,
d'un tournemain, d'un simple geste,
ramendons ce qui nous sépare
des liens puissants qui nous attachent,
pour pas que l'un quand l'autre part,
ne laisse de sa chute tâche...

mercredi 16 septembre 2009

Le mors aux dents

Les vigueurs insensées qui secouent certains corps,
certains sexes viciés dans leur but de marier,
certains cerveaux graisseux de leur idée de mort,
se résument en ceux dont l'humeur a varié.

J'oublierai, ce faisant, de la ribaude immonde
cette odeur de faisan et de vierge avariée,
qui nous tend son croupion pour promettre le monde,
et qui fait de nous pions de son propre échiquier.

J'oublierai les passions et les faibles échanges,
ce sur quoi nous passions d'impossibilités
et qu'aucune pulsion ne fera que l'on change !

J'oublierai de la vie ces incivilités,
repasserai au lavis bien des murs de décor
pour m'achever ravi sur les dents d'autres mors...

mardi 15 septembre 2009

De l'or


Dès lors qu'on abandonne un lieu,
et que l'éther déchire en nous
les amalgames d'un milieu
où nous suffoquions à genou,
dès lors que la pluie lancinante
se commue en douche écossaise,
et que les tristes étudiantes
se sont jetées de leurs fadaises,
dès lors qu'on défriche à la serpe
les sottes pousses anxiogènes,
le parasite et la caulerpe*,
les taxis fous à lier qu'on gène,
dès lors qu'on redevient soi-même,
pour le meilleur et pour le pire,
plus n'est besoin de pieux carêmes
ni de rester sous quelque empire...

Dès lors qu'on fructifie des vœux
dans des espaces personnels,
passant, s'il le faut, à l'aveu
de sa détresse originelle,
dès lors qu'un son sourd des entrailles
et qu'un pinson se pose au creux
des créneaux dont on fit muraille
et drames amphithéâtreux,
dès lors qu'un cor résonne enfin
des fonds dont on s'est défilé,
des viscères dans un destin
de vies sérieusement filées,
dès lors l'on tisse au vent mauvais
des édredons d'eiders alliés,
dans de doux impacts à des lais
dédiés aux dieux de nous déliés.

De l'or qui coule entre nos mains
de ces expériences usées,
comme des fils pan-utérins
venus des sexes reprisés,
de l'or fondu dedans nos bouches
comme un Crassus aseptisé,
nous ouvrirons certaines couches,
mais pas les draps si méprisés ;
De l'or émanant de nos peaux,
nous cueillerons les pommes sures,
les pèlerons à cou de pot,
en pèlerins de l'épluchure,
qu'étranglent nos menus impôts,
et de l'or une signature,
et de l'airain un coup de trop,
de ton bronzage mes ratures...



Des bouleversements écologiques sont provoqués par un clone de Caulerpa taxifolia en mer Méditerranée. Alors que l'espèce en était absente, des fragments échappés d'aquarium, ont pu se multiplier et se développer de manière fulgurante et très envahissante, valant à l'algue le surnom d'« algue tueuse ». (source : wikipédia)

dimanche 13 septembre 2009

Taille et modelage





A Toi,




Si le verbe est de la matière,
matière à rire ou à pleurer,
s'il se torture et s'il s'opère
sur une table à raturer,
où l'on prend son pouls dû aux lentes
inspirations que l'on ausculte,
alors, dans sa langue violente,
on peut affirmer qu'on le sculpte.


Si la sculpture est poésie,
il y a réciprocité,
et ce n'est pas une hérésie,
du verbe à récit précité,
que de le comparer ainsi
à l'art de l'angle original,
qui par le galbe conduisit
du sublime au subliminal.


Maïakovski s'imaginait
en ouvrier fraiseur de mots,
et moi-même, à ce qu'il paraît,
d'un "ciseleur" je suis jumeau ;
tout ça ramène incessamment
à la taille et au modelage
dont on s'essaie à ces segments,
en faisant fi des maux de l'age.


Connaissez-vous de Michel-Ange
les vers sertis à ses sonnets ?
N'était-ce qu'un autre challenge,
par sa sculpture assaisonné ?
Lui le premier avait compris
la pâte molle des phonèmes,
ou le rocher qu'on dégrossit
quand nous tient l'idée d'un poème.


Car bien présents au négatif
de l'un de l'autre, en leur approche,
ces deux chemins aux legs hâtifs
lorsque sur eux rien ne s'accroche,
sont tant du vide qu'on remplit
que du trop-plein que l'on dévide
sans que jamais le moindre pli
ne vienne heurter vos sens avides.


Parfois, les vers que l'on modèle
se font d'ajouts vers l'infini,
de sons volant à tire-d'aile
pour se poser indéfinis ;
parfois, les blocs dont on fait taille
se font d'ajours vers le zéro,
peaufinant d'idées les détails
crépitant dans un brasero.


Dans cette quête nomomane,
les deux voies sont à parcourir,
mais de l'écrit toxicomanes,
on ne fait rien à part courir...
Alors, autant se souvenir
(sur le crayon mettre une entaille),
de ce que l'art peut réunir,
du modelage et de la taille.




Sur la fin de sa vie, Michel-Ange se fait aussi poète et est reconnu comme l'un des plus grands poètes italiens après Pétrarque et Dante. Il a écrit une cinquantaine de poèmes, sonnets et madrigaux, datables de 1535 à 1541, d'inspiration souvent humaniste. Plusieurs de ces sonnets ont été mis en musique, notamment par Benjamin Britten et Dmitri Chostakovitch. Ces poèmes, inédits de son vivant, seront publiés par son neveu, Michelangelo le Jeune, en 1623.
Selon John Addington Symonds, un poète et critique littéraire anglais, Michelangelo le Jeune aurait travesti, pour des raisons de convenance, certains pronoms afin de masquer l'amour que Michel-Ange portait et exprimait dans ses sonnets envers Tommaso de' Cavalieri (vers 1509–1587), de 24 ans son cadet. « Malheureusement, avant la belle édition de M. César Guasti, publiée en 1863, les traducteurs français n'ont jamais eu sous les yeux qu'un texte défiguré par les ornements que s'est permis d'y ajouter, par les suppressions que s'est permis d'y faire le neveu de Michel-Ange. » écrit Alfred Mézières, dans un article de 18734.
C'est à la poètesse Vittoria Colonna qu'est longtemps revenu l'honneur d'être la destinatrice de la flamme amoureuse de Michel-Ange. Et Mézières ne fait pas exception qui s'étonne du langage amoureux adressé à un garçon et préfère y voir l'admiration déguisée pour une femme de lettres : « L'obscur Thomas Cavalieri n'est vraisemblablement qu'un prête-nom. On se demande alors quelle est la personne à qui Michel-Ange se croyait obligé de ne transmettre l'expression de sa pensée que par intermédiaire. Aucun nom d'homme ne se présente à l'esprit; d'ailleurs, s'il s'agissait d'un homme, à quoi bon tant de mystère? On n'est guère tenu à de telles précautions que dans une correspondance avec une femme. Une fois sur cette piste l'imagination fait du chemin. La date de la première lettre adressée à Thomas Cavalieri (1er janvier 1533) correspond précisément à l'époque où ont pu commencer les premières relations de Michel-Ange et de Vittoria Colonna. »
Source : Wikipédia

samedi 12 septembre 2009

De Rimbaud et Villon...

Certains documents peuvent sembler secondaires au sein de l'œuvre d'un auteur mythique. En Mai 1870, concomitamment à l'écriture d'un paquet de ses premiers chefs-d'œuvre (Sensation, Ophélie), le jeune Jean-Nicolas dit Arthur Rimbaud répond à la commande de son complice professeur de lettres, Georges Izambard, par la rédaction d'une « lettre de Charles D'Orléans à Louis XI pour la grâce de François Villon ».
A ces fins, le susnommé Izambard (à peine son aîné de dix ans), lui a prêté les œuvres complètes du malandrin poète...
Je regrette de n'avoir point trouvé ce texte disponible sur internet, mais vous invite à fouiner dans quelque bibliothèque ou à dépoussiérer certains rayonnages de la vôtre, afin de lire ou relire ce merveilleux petit devoir de classe.
Ecrit en vrai faux vieux françois, Rimbaud y fait montre d'une connaissance claire et nette, tant de la langue de Villon que de son histoire !
Il faut savoir (c.f. les biographies existantes de maîstre Villon, dont je ne saurais mieux vous conseiller que celle écrite par Jean Teulé, Je, François Villon) que le dit sieur de Montcorbier, alias Villon, après un court stage délétère à la cour du « bon » roi René d'Angers, résida longuement chez le grand despote éclairé qu'était Charles d'Orléans, le seul avec Louis XI, à avoir perçu l'entendue de son génie, avant que de lui chouraver quelques de ses plus beaux bouquins enluminés (et oui ! C'était pas un tendre !) et de finir dans les geôles d'un évèque à Meung-sur-Loire. Déjà, après quelques mois de torture, on peut présumer que c'est Monsieur le onzième qui l'en sortit, avec pour bel argument que là où lui unissait la France, et donnait enfin suite à l'idée de nation que Jehanne, enfant, lui inspira, Villon unissait le français.
Ensuite, Villon finit une nouvelle fois engeôlé au Chatelet ! Pour une histoire ridicule... Mais là, c'était les fourches patibulaires de Montfaucon qui l'attendaient. Une fois de plus, Louis XI le gracia, ou plutôt, commuta sa peine en interdiction de séjour à Paris. C'est ainsi que comme par enchantement, disparut de l'histoire de France le personnage de François Villon, sans que nul ne put jamais savoir ce qu'il devint.
Je pense ne m'avancer que peu en affirmant l'impact qu'eut sur le jeune Arthur Rimbaud, cette épopée et les vers l'accompagnant. Preuve en est ce fameux devoir de classe...
Ce n'est pas un travail banal !
C'est un programme : Rimbaud y annonce ce qu'il veut et ce qu'il va être ! Il est inéluctablement perclus de la même nomomanie que son aîné, et plus j'y repense, plus je crois qu'après Baudelaire, il est allé puiser aux sources du maître les ingrédients de sa radieuse révolution du verbe.
Je ne peux ni n'ai envie de vous recopier ici l'intégralité de ce texte. Néanmoins, je me dois de faire écho à sa dernière et si longue et si belle phrase, si tant emplie de tous les sens qui vous y saurez trouver, et d'appétence à lire ce qui la précède :

« Sire, ce serait vraiment méfait de pendre ces gentils clercs : ces poètes-là, voyez-vous, ne sont pas d'ici-bas : laissez-les vivre leur vie étrange ; laissez-les avoir froid et faim, laissez-les courir, aimer et chanter : ils sont aussi riches que Jacques Cœur, tous ces fols enfants, car ils ont des rimes plein l'âme, des rimes qui rient et qui pleurent, qui nous font rire ou pleurer : Laissez-les vivre : Dieu bénit tous les miséricords, et le monde bénit les poètes. »

Arthur Rimbaud, Mai 1870



Ô Dieu, que j'aime cette phrase !

Références...

«Estimez son plus magique effet produit
par opposition d’un monde antérieur au Parnasse,
même au Romantisme, ou très classique,
avec le désordre somptueux d’une passion
on ne saurait dire rien que spirituellement exotique.
Éclat, lui, d’un météore, allumé sans motif autre
que sa présence, issu seul et s’éteignant.
Tout, certes, aurait existé, depuis,
sans ce passant considérable, comme aucune
circonstance littéraire vraiment n’y prépara:
le cas personnel demeure, avec force. »
*
Stéphane Mallarmé,
«Arthur Rimbaud», Divagations, 1897.

jeudi 10 septembre 2009

La prose dit : "eussions ?"



Je fus nourri du lait d'aînesses littéraires,
des rondeaux et des lais, et de l'écrouissage
par d'autres précédents, des pieds gantés qu'errèrent
leurs esprits décadents en quête de pas sages...

Leurs spasmes tubéreux et leur toux écrue elle,
m'ont transmis l'onéreux virus de l'écriture,
dont je ne garde en main que quelques écrouelles
et quelques vers humains en tant que garniture...

Alors, de ce talent ? Plut-il que nous l'eussions ?
De ces débats ballants comme une pair' de couilles,
faut-il en faire en pluie, un peu de finitions,
et d'un dévers l'appui où qui peut se débrouille ?

Quelle que fut patente et plans contrecarrés,
la muse est exigeante, entraîne les disputes
et les nerfs en appeau, et ses parties carrées
se paient très cher ! La poésie est une pute !

lundi 7 septembre 2009

Les clous du spectacle




Un jour, nous baignerons dans les vers d'eau mutins
des golfes irradiés de cris de lamantins,
poème érubescent comme un sérum hutin
qui sur le visage, nous mettra l'âme en teint.

Et nous éparpillerons les reflets d'étoile,
au gré des mouvements du reflux de l'étole
des cieux, cataractés par les flots et les voiles,
par ces grandes ailes qui permettent les vols.

Car sur ce beau navire au plumage irisé,
où chaque plume accroche un bon point de rosée,
nous laisserons le vent nous gonfler de risées,
c'est assez d'un évent pour en être arthrosés !

Nous glisserons sur l'être et sans à-coup férir,
à l'ombre de tamariniers thuriféraires,
quant à ces critiques, si ce que tu crées fait rire,
nous les mettrons aux clous que les tueries ferrèrent.

samedi 5 septembre 2009

A l'Ouest, un peu de nouveau !

Prenez le temps de regarder ci-contre la liste de liens vers mes nouveaux blogs, résumant l'ensemble de mon boulot !
Au plaisir de vos lectures !

Michel P

vendredi 4 septembre 2009

La chauvine comédie



La civilisation nous fournit des théâtres,

de sombres naumachies pour des drames obscurs,

sans qu'aucun feu sacré n'eut jamais été âtre

de ces cabotins qui, nonobstant n'en ont cure.



Et dans leurs frusques, oiseaux de mauvaise augure,

ils travestissent ainsi d'alliances mesquines

(contre l'étrusque, ligués d'élégants ligures),

le décor d'empire en nous, que l'on damasquine.



Car dans cette indicible comédie chauvine,

l'état n'est qu'un prétexte à enrichir certains

dans un monde où l'argent coule à flots qui ravinent.



Tombe le masque, acteur, ô pâle puritain !

Tous tes publics n'ont plus l'usage du guignol !

Je sais qu'ils te feront bouffer tes roubignolles.

jeudi 3 septembre 2009

Tour-débat belle




Nous, bâtisseurs de cathédrales,
avec nos arcs, avec nos flêches,
et notre plein-cintre central,
et nos doubleaux de mots qui lêchent,

Nous affrétons des vaisseaux bruts,
montant au ciel comme des bulles,
en des phylactères abrupts
où des images déambulent.

Nous construisons la tour des langues,
« elle est pas belle ainsi tournée ? »
Visant un Dieu qui tangue, tangue,
puisque de s'ouvrir, tout renaît.

A quoi bon donc, être immortel ?
Et vivre tout empoussiéré ?
La vie n'existe que hors d'elle,
dans tous ces mots qui lui siéraient !

Nous fûmes plus que des légions
à mettre pierre à cette église,
pourvu qu'encor nous l'allégions
au prix des vers que nos legs lisent...

Alors, s'il faut mourir en biais,
n'étant jamais que tours de Pise,
s'il faut être humilié, renié
et oublié dans des remises,

s'il faut signer l'échec en blanc
et s'effondrer comme Gomorrhe,
je veux ne pas faire semblant,
mettre du sel à cette mort.

Honneur aux maîtres !

Ô Nuit

Ô Nuit camisole, le soir
te précède en pleurant ta traine,
ton manteau brodé de brouillard
et de bruine infirme en étrennes.

Ô Nuit qui m'isole du monde,
me succèdent, blanches et noires,
tes magies obscènes, immondes,
et leurs conjoints, les cauchemars.

Et de ces époux dans la tête,
formant lieux communs à la ronde,
de quatrains qui sont en quintettes,
j'extraie des musiques d'aronde.

Ô Nuit l'écorcheuse aux dents rousses,
je rêve, insomniaque et esthète,
aux tablatures que l'on trousse
Comme un jupon sans appuie-tête...

Ô Nuit mortelle aux griffes dures,
toi qui me suit, me fout la frousse,
ce peut-il qu'en moi tu perdures,
telle la ronce et l'art en brousse ?