vendredi 29 novembre 2019

Pêcher



J'en pleus plus d'essorer les serviettes des filles
et la note mensuelle à laquelle on souscrit,
tandis qu'en coulant dans mes bas-fonds défile
en jets d'encre indigo le cœur d'un manuscrit.

J'emploie tous les gros maux de l'existence afin
de raconter sur les doigts défaits des dix plaies
des gipsy queens, un peu du délicat parfum
qui rythme ainsi ce qui nous leurre ou nous déplaît.

J'en plains et j'en délie des entrelacs celtiques ;
à ces amoureux finistériens, la géhenne
est de ne pas franchir un mur de l'Atlantique.

À l'amer rouge on taille et il y a des haines,
il y a du déboire et des bouées pathétiques,
il y a des filets reliés à l'ADN.

https://soundcloud.com/annaondu/pecher

mercredi 27 novembre 2019

Henry & June





Lorsqu'on cherche à parler d'une beauté fatale
innervant le moignon d'une histoire amputée,
c'est afin de projeter l'éclat penthotal
à l'écran dépourvu de vitesse en butée.

Les poésies d'amour en traits tirés s'écrivent,
à la façon détruite et dérivée du vent,
dont les battements doux de temps en temps décrivent
un claquement de draps portés tel un auvent.

Tu sais, si je m'appelais Henry, mille heures
auraient le temps de passer sous le pont désert
où Mirabeau comme un camion déménageur,
inspirait bruyamment Guillaume Apollinaire.

Hé, June, à tes côtés brûlants mes vers dégrisent
un peu, sous le soleil ardent de tes yeux bleus ;
sous cette peau brûlée que ta rousseur irise,
il me faudra compter sur ton côté sableux.

J'aurai des clefs l'omelette et l'inlassable dune
à parcourir en toi sous ma paume avertie,
j'aurai le plat pays de ta chair opportune
à caresser sans fin de mon verbe amorti.

J'aurai le paradis d'un Saint-Pierre anguleux
dans la mire alignée que tous enfin me jurent,
où notre partition s'avoue vraiment que le
désir est démesure à décrire en mesures.

https://soundcloud.com/annaondu/henry-june

vendredi 22 novembre 2019

Poison



Si ton sourire est une braise
enlevée de l'œil d'un cyclope,
et que des mots que je te fraise
il me reste un charbon de clope,
incandescent de cette mine
écrivant d'un rouge éclatant
le trait de ta bouche carmine,
on taira tout avec le temps.

Qui taira les mots et leurs langues,
et qui taira ce qui s'infiltre ?
Entre les corps, entre les gangues,
on sculpte aussi parfois sans filtre :
on taille, on pétrit sans vergogne,
afin d'accoucher d'un vertige,
et plus on frappe et plus on cogne
et plus on redresse nos tiges.

Il ne me reste à deviner
que tes douceurs adultérines
et de tes tiédeurs avinées
par ton iris, l'eau vipérine ;
il ne me reste à déguster
que le poison d'une eau secrète
en ton regard, et dégoûté
des sentiments que lui sécrète.

https://soundcloud.com/annaondu/poison

vendredi 15 novembre 2019

Sommaire




Tel un singe en apnée d'avoir brassé trop d'air,
il me faut faire amende honorable en ces mots :
je n'ai jamais construit que des abécédaires
en négligeant d'emblée ma prêche au chalumeau.

Je n'ai jamais pensé la mort à deux, la vie
ne conduisant sans but qu'à cette ultime fin ;
je n'ai jamais bâti de mausolée d'envie
non plus d'étage au mal, en fleur comme en parfum.

Je n'ai qu'écrit les brins cunéiformes
ornant le récipient d'un message à la mer,
entre une mélodie glauque et son chœur informe.

Étrennant quatre « faire » à tout ce qu'ils humèrent
à ton contact étroit — foudroyant chloroforme —
un rêve romanesque établit son sommaire.

https://soundcloud.com/annaondu/sommaire

dimanche 10 novembre 2019

L'âme aisée



Si nous ne gardons des baisers
que le goût d'un vin bouchonné,
c'est qu'un sentiment malaisé
s'est posé comme mouche au nez.

Perdu dans les parfums d'encens,
je cherche une aiguille à découdre,
afin de percer l'indécent
secret de la machine à moudre.

Il est peut-être en ton sourire
ou dans un poème où Prévert
hèle au féminin sans courir
et sans coup férir, un feu vert...

Et la fée verte ou la fée bleue,
faible Eugénie du mal en fleurs
irisée sur un fond sableux,
m'encoquille entre Ys et Barfleur.

Un cœur est un colimaçon ;
pour gravir un tel escalier
sans être un impoli maçon,
le poète est fantasque à lier !

Mais il t'y trouve en escargot,
toute en toi recroquevillée,
le cœur est refuge à l'ego
lorsque ailleurs est mal chevillé.

Quoi qu'on meuble en la vie sinon,
Légo nu de sa pièce absente,
on construit comme on peut ces noms
que l'on donne aux pluies collapsantes.

Or, nous ne gardons des baisers
que leur humidité latente,
alors espérons l'âme aisée
qui peut nous justifier de l'attente.

https://soundcloud.com/annaondu/lame-aisee

samedi 2 novembre 2019

La bleue crise infirmière



À Valérie, ma première grande histoire d'Amour un peu consistante,


Je vous ai désirée
Dès votre apparition
Dans cet amphithéâtre
Où le parquet ciré
Faisait l'exposition
De votre teint d'albâtre.

Et de ces boucles noires
Écoulant le présent
Dans le chaos passif
Il me fallait l'armoire
Où ranger l'écrasant
Cadeau dit décisif.

On aime à chaque fois
Mais après la première
Un peu différemment
L'Amour est à nos fois
La bleue crise infirmière 
Et sombrent les amants.

L'Amour est un doux leurre
Et nous le poursuivons
Faisant le poisson mort
Instillant du malheur
Un peu comme un savon