vendredi 24 octobre 2008

Manifeste cybérien pour un nouvel état des lettres

Nous tous écrivons ici, et pour la plupart, depuis l’explosion du WEB 2.0, liée à la naissance des espaces MSN, début 2005.
Jamais ce qui fut qualifié de blogosphère, n’a plus mérité son surnom québécois de Cybérie. Nombreux sont ceux qui se sont essayés à l’écriture sur cette interface, avec leurs moyens et leurs envies de communiquer. J’aime à me répandre sur ce que fut la naissance de cette Cybérie, de cette efflorescence de proses et de vers qui, peu à peu, eut tendance à s’amortir.
Il n’en reste pas moins que cette démocratisation brutale de la communication par l’écrit, ouverte au monde, posa les bases et les définitions de l’usage du média qui la véhiculait.
Avec le weblog, est né, ou plutôt re-né (chateaubriantesque expression), le concept de billet d’humeur, forme condensée de la littérature, s’il en est de certains styles l’y rattachant. Ce concept, sous toutes ses formes (prosaïque, versifiée, librement ou non), sur tous ses fonds (politique, sportif, nouvelliste, critique, poétique, égotique), a accouché d’une multitude de « produits » d’écriture.
Sans nul doute, ni plus préjuger des qualités de ce qui fut fait, on peut être amené à penser que dans ce « fatras » en forme de bouillon de culture, résident quelques perles rares destinées à attirer l’attention d’un éditeur sensé.
Toutefois, le propre de la création qui se fit ici, sous les formes susmentionnées, est de s’être adaptée au support de sa diffusion, à savoir le WEB. Il est trivial de rappeler à quel point ce dernier est l’expression achevée du zapping, de par sa spécificité même d’endroit où l’on surfe d’une page à l’autre, sans s’offrir le temps de la concentration, ni de la continuité dans l’effort de lecture qu’il ne sollicite qu’exceptionnellement. Du fait du format proposé (celui de l’écran), de l’éprouvant rayonnement qu’il impose, mais du fait aussi de la culture et des habitudes qui lui sont liées, l’Internet interactif a imposé la concision en valeur commune de la rédaction virtuelle, mais également, et ceci est primordial à souligner, en condition sine qua non de la lecture virtuelle !
Il nous est simple de nous arrêter dans nos errances cybériennes, qui sur un sonnet délicieux, qui sur une rapide polémique bien tournée ou sur un billet humoristique.
L’internet du WEB 2.0 a réveillé des formes d’expression littéraire négligées depuis 150 ans par l’édition, tant dans sa création que dans son lectorat.
Comme il y a toujours des printemps aux peuples, il y en a aussi pour ses émanations culturelles.
Le renouveau de la poésie, de la micro-nouvelle, n’est à mon sens pas une vaine espérance. Les conditions dans lesquelles les nouvelles technologies de l’information et de la communication se sont imposées au monde, ont porté les fruits d’un changement de paradigme littéraire. Le monde de l’édition ne pourra définitivement plus se passer de la réalité d’un existant, parfois d’une qualité supérieure à ce qui la fait s’engager dans l’impression papier d’exemplaires finissant au pilon.
Cependant, nous tous cybériens, qui faisons de notre diversité et de l’engagement dans notre sacerdoce verbeux, une raison d’être et de continuer, ne pouvons consciemment scier la branche sur laquelle nous sommes assis : notre support premier est celui des nouvelles technologies !
Outre qu’il soit notre fantasme commun de s’imaginer publiés sous forme papier, nous nous devons d’intégrer prioritairement l’idée de publication virtuelle, dans le simple prolongement de ces efforts que la gratuité porta un temps, mais que l’édition se doit à son tour de promouvoir.
Demain sort le livre électronique de Sony. Rien ne dit que l’approche hyper-papier de cet outil garantira la lisibilité de ce que le vrai livre apporte. Au contraire, il est plaisant de penser que ce joujou prolongera les habitudes cybériennes, les ancrant plus encore dans leur systématique de la lecture morcelée, sous-produit de la vie moderne.
Des solutions sont à imaginer, entre auteurs, éditeurs et concepteurs technologiques.
A ce titre, je m’engage à diffuser le plus largement possible ce manifeste (sur les blogs des grands journaux, notamment), à promouvoir les sites collectifs de diffusion de nos œuvres, à prendre les contacts les plus pertinents avec les acteurs de l’adaptation à ce bouleversement gutembergien, et bien évidemment, à accueillir vos efforts et soutiens dans cette démarche qui n’aura d’aboutissement, que par notre prise de conscience de l’union sacrée qui est à sceller.

mercredi 22 octobre 2008

Le veilleur d'ennui


Découvrez François Roubaix!



Je fais des pieds, je fais demain,
et quelques rimes de misère,
en train d’épier de mon prochain
et d’icelle qui s’est mise hère,
les routes nues et creux chemins,
les lassitudes de l’hier,
et d’aujourd’hui, les jeux machins,
dont on se fait le corps de lierre.

Je guette tous ces feux éteints
aux flaques des passions guerrières,
tous ces radeaux naviguant vains
d’une habitude marinière,
dont le phare a perdu le tain
du miroir des cœurs à l’envers,
je scrute l’horizon lointain
de l’ennui, pour tirer des vers.

Parfois, sur mon divan divin,
se pose un voleur de lumière,
la chapardeuse de bon teint,
pensant tricher de ses paupières,
mais le seul vice qui m’atteint,
quand dans l’écrit, je persévère,
c’est le secret des vrais matins
dans la tiédeur de tes ovaires.

François Villon, mon bon copain,
langue fourchue, patibulaire,
m’a soufflé comme on dit mot « pain »,
comme on arrache des molaires,
tous ces mensonges sacristains
de confessions épistolaires,
qu’on retranscrit en bon crétin,
ne gardant plus que des mots, l’air.

Foin des miracles de lapin
et des chapeaux à des sorcières !
Faire la cour à l’écrivain
ressemble à une souricière,
quatre belles planches de pin
en écritoire pour l’enfer,
et quelques bouts baveux, bovins,
dont on ne sait plus rien qu’en faire…

Veilleur d’ennui transcybérien,
j’ai mis la balle au revolver
des grands touts et des petits riens,
auxquels encor, je lèv’ haut l’verre,
pour que se recréent les parfums
exotiques de Baudelaire,
et pour qu’en guise de mot « fin »,
de mon job soient vos cieux plus clairs.