Je zyeutai Massilia du dix-huitième
étage !
Près du Boulevard de Plombières
et de ses toboggans routiers surréalistes
tandis qu'aujourd'hui rien ne plombe hier
Je zyeutai Marseille et m'en faisais ma liste.
Là
et de ses toboggans routiers surréalistes
tandis qu'aujourd'hui rien ne plombe hier
Je zyeutai Marseille et m'en faisais ma liste.
Là
las
son décor m'inspirait,
d'évidence :
avec ses pains de suc
mis en Garde alors que son corps couvé
d'eau
se répandait jusqu'à la mer, comme
une énième tâche
grouillante à mes pieds
comme des pas de danse
comme des petits morceaux de stuc
épandus au petit bonheur la chance
mêlant le bidon-ville à l'immeuble
high-tech
le HLM au pavillon
l'oreille aux doigts de pied
et les montagnes aux ports, plages et
discothèques
rameutant les clochards à coups de
carillons
et se faisant jumelle de Rio de Janeiro
Je zyeutai Massilia du dix-huitième
étage !
Etait-ce ainsi de me sentir grandi
que je la sentais si petite et confinée
oppressée dans sa baie tournée vers
le port
qu'on lui fit confit-né
ou vers le mauvais sport
qu'en ce lieu chaque rue suinte de
l'eau, aime
un apéro pastaga très dilué
qui te fout les boules
les balls
et le fouteubolleuh !
Etait-ce ainsi de me sentir Gandhi ?
Alors que j'étais en petits morceaux
de stuc
comme une mosaïque
et en petits pourceaux de sticks
comme un vilain moustuque.
Et bien, je me raccommodais depuis ce
dix-huitième étage
je me patchworkais avec du fil d'enfer
quoique là ne coulait pas le Tage
Mais entre Lisbonne et Rio
Entre le portugais et le plus rien à
faire
autrement qu'un accoutrement qui nous siée (pas "qui nous seille")
il y a la planète Marseille !
Et dans cet incommensurable melting-pot
je me suis mis à aimer d'Amour cette
improbable et folle Cité
dont chaque mur à chaque graffiti
dépote
et nous invite à vivre de vers et de
mendicité !
J'ai tant aimé l'Estaque
et sa plage surplombée de sa
quatre-voies
et ses canons en bikini
et ses marées barométriques
petits seins qui filent la trique
à mes fluxions de Luchini
trémolantes en ma voix
et s'échouantes en laisse Trac !
J'aime et j'aimais le cœur de
Massilia :
je l'ai traversé dans ma voiture
- pour un non-marseillais, quelle
aventure !
(Souvenir qu'on aima, s'il y a...)
Dans les souks chinois
nous nous parions de soie noire
et le bleu des yeux était une insulte
aux méditerranéennes.
Les fontaines coulaient de Rimmel dans
les rues
dans les quartiers nord, j'étais le
bienvenu
les fonds de teint coulaient du Rimbaud
et de ses splendeurs érythréennes
sur le khôl des beautés marseillaises
et sur l'alcool de nos plaies béantes
nos muses divines sont bien aise
pour peu du fantôme qui les hante.
J'étais bien en rupture
au dix-huitième étage
un peu comme un alpiniste
un peu comme Hannibal hors de Carthage
avec des éléphants qui trompent
et n'ont rien de doux hédonistes
et n'ont rien à mettre en partage
sinon, point de suture !
A Marseille, j'ai marché comme sur un
Pôle en débâcle
et sur ses glaçons dans un moteur où
tout renâcle
sur les apéritifs ourlés d'écumes
anthracites
et sur tes lèvres où ma bouche
ouverte entre à tes sites.
J'étais aimant
Au Prado, j'étais devin
j'y mariais l'or et le vin
le vin rouge et l'or blanc
c'était onze ans avant...
Onze ans plus tard, je revins
par le couloir rhodanien
puis par le train du mien
qui démêla les chevaux-vapeur morts
d'épuisement sur la route d'un premier aller-retour
via Lodève et Millau et les volcans
d'Auvergne
et la Loire autour
et la Nantes de Julot Vernes
mais je revins dans le quartier du
Prado
– celui dans lequel on s'endort le
matin de longs voyages achevés
(comme les chevaux)
et sur lequel on veille en des soirs
qui nous semblent d'éternité
mais qui le sont pour ma mémoire
du temps que je me pensais poète –
puis dans celui de Saint-Barthélémy
Bagatelle pour un massacre
martyre écorché vif et crucifié,
décapité
d'où je vous contemplais du
dix-huitième étage.
Alors, bien sûr, espoir :
j'ai bien franchi les courbes isohyètes
qui conduisait jusqu'à la Garde, et
les mis
dans mes poches-revolver
parce qu'à l'arrêt faut l'faire
et reprendre un peu conscience des
beautés que l'on consacre
à notre façon d'essayer de vivre
et de traquer nos propres vouivres...
C'est ainsi que je me souviens des
fontaines
de la place du palais de l'injustice
et des terrasses ensoleillées
– fond de tain sur nos antennes
avec leur demis-dépression –
de lieux communs en frontispice
je me souviens des rues piétonnes
du cours Belsunce et d'autres où se
frayer
un chemin dans mes voix bretonnes
qui ne purent s'en effrayer.
J'ai quitté Marseille en descendant
d'un dix-huitième
Je n'en ai jamais su le nombre
d'arrondissements
mais celui de ses étages
celui dont je vous fais partage
fut vers le ciel celui des marches de
ciment
qui m'ont scellé dans Phocée
la pénultième.