mercredi 29 septembre 2010

Qumran




Sans rien comprendre au monde, ignorant ses ressorts,
on s'engouffre à la sonde aux tréfonds des abysses,
et je ne sais pas plus si quelconque en ressort
avec l'œil d'un Horus ou le bec d'un ibis.

Je ne sais rien des pyramides inversées,
des nombres d'or, des « pi » numides invertis,
des labyrinthes mus par nos larmes versées,
ces fleuves inconnus qui m'ont tant perverti.

Je ne sais rien de moi ni moins encor de vous,
nos fils allant de soie s'étoilent dans le vide
et l'ombre de Narcisse imprègne notre moue.

Sans rien que je comprisse aux lignes de nos rides,
il m'est gravé pourtant aux creux que la main porte,
un manuscrit datant du sel de ma mer morte...

jeudi 23 septembre 2010

Le tiers inclus (texte versifié)


Afin de voir le calligramme correspondant, cliquez ici.


ne pensons pas si souvent qu'à notre personne,
qu'à notre bout du nez,
car ne sommes en somme
que des impatients, des cœurs bornés,
un con sonne.
Un col blanc,
javellisé de plans,
de rencontres molles
et d'hôtels qu'on immole,
de peurs d'être à deux mieux qu'un,
de comportements pour le moins mesquins.
Si nous ne pensions pas à demi-maux ?
Mais demains à deux mains ?
De mots et d'émaux ?
Si nous étions dans
une volonté de partage, enfin,
sans se bourrer de précédents,
sans penser de fait au mot fin,
on se sentirait vraiment libre,
tous aurions cesse de payer
et l'amour aurait un calibre :
ta jambe dans ton bas rayé.
Nous rêverions d'avenirs,
fabriquerions un biplan
plantant les souvenirs
tel un Mister Caplan.
On est Hitchcock
à chaque prise !
À chaque coque,
à chaque brise !
On s'ouvrirait
à nos passions
on souffrirait
de délétions.
Et on aurait
incandescents
de nous l'orée
du bois naissant.
On aimerait
de notre pied blessant,
le talent d'un Achille éblouissant,
l'étalon d'une agile aménorrhée...

ULTRAFEMINISSIME !
Ne soyons  pas pour autant innocents de nous
ni moutons de Panurge,
de la noix nous est le brou
pour nous maquiller sans que rien n'urge,
sans peu ni prou.
Rafistolons nos vues
réciproques et lapidaires,
qui n'a jamais fait de bévues ?
S'il est besoin, j'en suis récipiendaire.
S'il faut aimer, c'est sans affrontements !
Un contre un ne fait le cœur d'un enfant.
Un contre n'a fait qu'épuiser
Le cœur des amants.
Certaines ont vampirisé
sans se douter qu'en s'épuisant,
elles s'étaient la branche sourcillée
sans se douter ce qu'aimer est vraiment !
Elles ont perdu en quatrains dissouts
ce que les corps ont disséqués,
et dans la tirette à dix sous,
la vérité de ce qu'est
un grand amoureux soul.
Un contre un, c'est s'affronter,
et se détruire, ce n'est pas aimer.
Il faut se laisser luire une belle entité,
un parfait illusoire en tierce identité !
Si la vie imparfaite n'est pas toujours rimée,
elle offre son remake au gré juste arrimé.
si les bas glissent
tout doucement
sur ses cuisses,
laisse les faire,
point d'enfer
à nul amant !
sa cheville
se tortille
d'un baiser
posé inadvertant,
sur un espoir, un cri,
cirage noir écrit.

Oh ! Oui
car en vrai ceci
mais surtout cela

Au couple n'est besoin de se nourrir de l'autre,
Il se construit des deux sans qu'il en soit exclu :
les projets sont portés par ces deux bons apôtres
à ce troisième humain qui n'est qu'un tiers inclus !
En l'oubliant tout n'est pour nos yeux que de poudre
et d'explosions peuplées de Cow-boys et d'indiens.
Donc l'âme à ce moulin porte ses grains à moudre
qui leur offre en retour un pain blanc quotidien.

dimanche 19 septembre 2010

Châteaulin (texte versifié)


Afin de voir le calligramme correspondant, cliquez ici.


Tout au bout du canal allant de Nant' à Brest,
tel un dernier fanal au bord d'un gouffre (l'eau),
elle a posé l'écluse en un poing sur le reste,
comme une ultime excuse à ce dernier sanglot.

Sont bien des théories pour expliquer son nom !
Mon récit favori, c'est du glorieux Alain
qui aux trop ambitieux sut imposer son non
et régner sous les cieux de Dol à Châteaulin.

Il ne subsiste rien de son puissant château,
si ce n'est – aérien – son rocher millénaire,
une tour éventrée tel un gisant bateau
et les murs dits « du diable » en onde circulaire.

Les anglais l'ont brûlé tant fuyant Duguesclin.
Il fut démantelé par la suite, os par os,
pierre par pierre, amont découlant du déclin,
mais la ville a le nom de ce fort si féroce.

D'autres pensent aussi aux artisans du lin,
du tissu dont on fit des gréements d'albatros
aux grands oiseaux cinglant en bordure du loin,
sans saint Glin ni saint Gland pour les bénir de crosses...

Puis la ville a vieilli aux carrefours extrêmes
d'une région cueillie par la queue pourrissante
d'un bout du monde austère où n'est plus monotrème
qu'un curieux mammifère aux terres finissantes.

Il y eut Jean Moulin, sous-préfet d'avant-guerre,
à jouer les plus malins, soulignant d'un trait rouge
pour des états majeurs d'immatures « naguère »,
pour les mauvais nageurs, ce gué dont l'Aulne bouge.

Rivière serpentine où la tête est à l'envers,
ta courbe m'entêtine à l'image d'un sein,
ma bouche s'est nichée dans le creux de mes vers
afin de les tirer du nez du raz de Sein.

Et le canal, patient, roucoule imperturbable,
sous leurs coefficients les marées l'investissent.
Du grand ogre Saint-Louis sort encore un cartable,
l'écrouelle éblouie que la vie rapetisse.

L'ordinateur consacre un très saint Idunet,
la chapelle qu'on sacre en est d'autant marrie,
le marché du jeudi fait toujours place nette
aux quais peuplés – je dis – de tristes méharis...

J'ai laissé la moitié de mon cœur par ici :
dans l'un de ses quartiers à l'humeur parricide,
j'ai laissé ma moitié sur scène parisis
d'un fleuve tout entier et de quelques absides.

Mais lorsque je reviens sur les rives de l'Aulne,
je me sens souvent bien, appaisé, déconstruit ;
je repense à Fournier, aux légos du « Grand Meaulne » :
tu auras beau te nier, seule la vie t'instruit !

Or le viaduc surplombe un tout en sens unique.
Le gris nuage plombe une onde dédaigneuse.
Le pont l'enjambe aussi – cavalier harmonique –
et leurs dos indécis taisent la note hargneuse.

Mon fils pêche une perche un rien si moins tendue
que son fil qui me cherche au télégraphe ardent.
Ma fille enquiert sa marche inouïe des sons ardus
des clapotis d'une arche aux eaux la cascadant.

Et Châteaulin grandit des gens qui, l'habitant,
font sourdre des non-dits quelque autre vérité
des brochets embrochés, des saumons ruisselants,
des sandres sans crochet de sabres hérités.

Un jour je partirai. La ville sera close.
Mes yeux seront fermés aux boucles du canal.
Comme dans tout divorce il y a force clauses :
j'écrirai sur l'écorce où le trait n'est qu'annales.

Là, je raconterai la geste d'un amour :
la geste incinérée comme un château régent
trônant entre des ponts sur le grand fleuve Amour
et sur le vain répons du grand Alain Fergent.

À la croisée des chemins, en pénétrant Crozon,
on passe Châteaulin sans savoir de quel mal
on tatoue doucement ses lignes d'horizon :
en lignes tout se ment, ce lieu m'est animal !

lundi 13 septembre 2010

Chuvisco de Ouro



I

La force se situe dans le cœur d'un triangle,
entre angoisse qui tue, assurance perverse
et fierté pour les peines d'orgueil, et qui sanglent
aussi bien que ces chaînes dont on fit commerce.

Le grand éléphant blanc – posté sur ses défenses –
ne sait qu'en dédoublant tout être de toute âme,
on surpasse le poids du soufre et des offenses,
et des corps un emploi les fourbissant en lames.

Si lourdes sont de sens les lignes d'un visage,
tant emplies de puissance et de troublants contrastes,
qu'on ne les croit venues que de cet héritage,
alors que leurs vœux nus sont ceux d'un Zoroastre...


II

Les lutteurs d'Ousmane Sow, debouts et scarifiés,
comme deux gouttes d'eau qu'ils sont aux capoeiristes,
chantent l'immémorial des peuples sacrifiés
au grand vice impérial du verbe esclavagiste.

Ils dansent de combats pour la fraternité,
l'égalité des droits malgré nos différences,
et ce depuis bientôt plus d'une éternité :
si l'arche est un bateau, que dire d'une alliance ?

Et pourtant un regard suffit à l'exprimer :
l'instant sans crier gare où l'œil a vu Caïn,
Abel et compagnie d'une main comprimés,
quoique les compas nient en vains manichéens.


III

C'est en rupture !
Ce qui est en rupture est grand.
Horizon...
Thal...
Les vers t'y calent
en t'intégrant !
L'ombre... l'épure
et la sculpture
vont rugissant
comme un grand lion mature au mufle mugissant.

Nos vies sont pétries comme notre image,
de replis que l'on trie, de plaies et d'accidents,
d'un grand Rastafari mais de petits rois mages,
et quoique l'enfant rit, nous nous sentons prudents.

Mais reste sur la gorge un triangle de nerfs
où la force se forge à l'enclume réelle
de nos acquis passés, au marteau du tonnerre
qu'un présent frappe assez, qu'un futur nous cisèle.

Fiana

À Fianarantsoa ou dans tes airs malgaches,
soudain l'on s'aperçoit des cartes dans nos mains
que l'on laisse glisser, tant que notre mal gâche
d'une ligne éclissée ton souffle trop humain.

Ce parfum tropical porte plus qu'une haleine :
son fixe et radical, diffus mais d'un gaz car,
à l'opposé de l'or, de l'ambre des baleines,
en respirant t'endort, rêvant Madagascar.

Si quelques traits violents tirés d'âmes guerrières
– tels ceux des pairs d'Ossian, de Finn et des fianna –
rendent à ton visage une froideur pierrière,

le constant métissage où ta chaleur, Fiana,
se répand comme un sang, confine à ces couleurs
sur les doigts innocents du plâtre des mouleurs.

mercredi 8 septembre 2010

Aphorisme d'apéro

"La grandeur d'une œuvre n'est pas tant dans le nombre de volumes imprimés que dans le fait que le sien soit devant les autres !"
Répartie de Rimbaud dans ma pièce.

mardi 7 septembre 2010

Aphorisme (suite)

"La petitesse de l'œuvre minimise évidemment le risque de redites..."

Camille Claudel, toujours dans ma pièce... :)

Aphorisme de début de soirée

"J'ai l'orgueil de penser ne m'être jamais répété. Il va sans dire que si tel constat m'était apparu soudain, j'arrêtais illico d'écrire ! Et j'ai senti qu'il valait mieux ne pas m'y confronter, anticiper. Pauvre Paul..."

Toujours dans la bouche d'Arthur Rimbaud pour ma pièce.

Le migrain




Sauriez-vous me parler de vos peurs indicibles ?
de ce qui fit hurler les rails de votre voie ?
et vous fit enferré le cœur en d'autres cibles
que celle préférée vous éteignant la voix...

Sauriez-vous me conter l'hésitation d'un pas ?
Le lâcher-prise écourté d'un bonheur sacrifié ?
Les circonvolutions de ces « je ne sais pas »
qui comptent l'addition des amours torréfiées...

J'empaquette les grains de beautés hésitantes ;
j'ai piqué le migrain – mal de tête des hommes –
à force de questions sur vos chairs palpitantes...

Il me semble – en gestion de sentiments – qu'en somme,
vous préfériez au pire un néant bien stérile,
au risque d'un empire un gris façon terril.

Aphorisme de la nuit

Créer, c'est articuler un monstre offert aux pulsions scoptophiles de ceux qui en sont incapables.

samedi 4 septembre 2010

La légende de Novgorode





à la petite Jehanne de France, ou à Hélène, peu importe : c'est pareil.


Cette "épopée héroïque et cocasse"
prend racine à Krasnoïarsk
- répète après moi : KRAS-NO-YAR-SQUE -
enfin tout juste après
à Taïchet
à Krasnoïarsk
j'avais fait sauter un train
le premier
l'odeur de la mèche
le bruit
le feu
l'artifice
Blaise Cendrars qui était un fin mystificateur doit s'amuser de mes supercheries
depuis son nuage
moi qui suis tant à l'ouest que je n'ai jamais dépassé les chutes du Rhin
ni les chutes de reins
pourtant à Krasnoïarsk
on est à mi-chemin entre l'Oural
et le Baïkal
entre Nijni-Novgorod
la nouvelle Novgorode
- d'où le nom de la Légende
puisque c'est là que l'on pénètre en Asie pour la première fois
dépucelage -
la nouvelle Novgorode
Gorki
du nom de Maxime
que l'on voyait aussi riche que la cité Varègue
ces vikings qui donnèrent leurs yeux bleus à la Russie
Novgorode
trafiquante médiévale
Venise incarnée dans les terres
rubis sur l'ongle
et moi, solitaire
entre Nijni-Novgorod
et Irkoutsk
- répète après moi : IR-KOU-TE-SQUE -
au milieu était Krasnoïarsk
puis Taïchet
au milieu de "La prose du transsibérien"
et des rails fondus qui scellèrent notre alliance
et moi solaire
pareil à Keats
pareil à Baudelaire
pareil à Rimbaud
pareil à Verlaine
pareil à Poe
mimant Apollinaire
pareil à Cendrars
au creuset des larmes défendues
et des serments inavoués
nous sommes arrivés
dans des cités où les bulbes d'or laissaient promettre une floraison grasse et colorée
dans des dédales somptuaires enivrant de possibles orientaux
orientés
désorientés
nous ne sommes arrivés nulle part
nous n'avons trouvé nul trésor
chaque gare est un vieux port
et chaque vieux porc
un bouge où l'on s'égare
Jeanne !
à présent que nous faisons route ensemble
il est bon que tu m'écoutes !
La légende de Novgorode je l'ai montée de toute pièce pour t'épouser
au sommet il y a les fameux mille et trois clochers
ça croustille de rutilance
les moines sont des papis gâteux
leurs lèvres enfoncées bavent d'envie de raconter l'histoire
mais les mots sont tués par la défaillance de leur mémoire
Hélène !
Je crois que j'ai voulu trop être aimé de toi
de Troie
je ne suis pourtant pas à cheval sur les formes
mais quand les poulains sont faux
les germes s'abattent à la faux
"La légende de Novgorode" est une facétie magique dont je fais à mon tour ouvrage
c'est le propre d'une légende !
Un texte qui n'a jamais été écrit vaut bien plus qu'un texte mort
il raconte le vide ambitieux des secondes à venir
il te dit "je t'aime"
mais ne te l'écrit pas
il te dit "poème"
et moi je ne sais pas
ne me perds jamais
il y a les couloirs
et les compartiments
il y a le vouloir
qui quoi qu'en part t'y ment
il y a les arcanes étranges des wagons plombés
qui sont comme des dents à peine encor tombées.
Nous sommes tous en notre adolescence
il faut l'admettre
devenir adulte demande énormément de chemin
chemin
cheminées
fumées
cigarettes
amour
à Nijni-Novgorod
sur la banquette du train
je m'étais endormi.
Une main fluette m'avait éveillé.
Une main porte plein d'histoires !
La sienne
dans le triangle de ses lignes
la nôtre
dans son intention maligne
la vôtre
dont la présence m'éloigne.
Une main porte aussi des bagues
et des absences de bagues
des vides colorés de blancs
des doigts coupés même présents.
Jeanne !
Nijni-Novgorod, c'est la butée du funiculaire de Montmartre, non ?
Hélène !
fantôme de feu
Blaise
Freddy
il n'y a pas de fumée sans feu
et Novgorode s'élève ainsi qu'une Saint Jean
parce que tout brûle
c'est l'entropie
parce que l'on brûle sans parfois parvenir à dire ni pourquoi ni comment
c'est cela la "Légende de Novgorode"
et qu'il n'y aura jamais quiconque pour éteindre
ce feu qui la dévore.

Jeanne !

Hélène !

Je crois qu'il fit à l'aise cendre art.



Nous ne sommes que des baisers posés à l'embouchure de flacons alchimiques.

mercredi 1 septembre 2010

Accidentaux



Si nous fûmes bercés dans une coque dure,
rejetons déversés dans des berceaux gîtant,
nous gardons sur la peau le fait que rien ne dure,
le signe dont l'appeau fit de nous des gitans.

S'il on est à tout age un éternel enfant,
et à tout tatouage une fuite éperdue,
c'est qu'un jour un naufrage, à peine adolescent,
nous bâtit un barrage et nous fûmes perdus.

Tout moisit, tout est rance, et les eaux sont saumâtres,
sur le pont de la Rance il nous est des frontières
que la Bretagne emmisère en « limes » acariâtres.

Serions-nous comme Isère issus des fondrières ?
Ou comme Iseult le fruit de tapages nocturnes ?
Peu importe le bruit à nos vers taciturnes.