samedi 31 juillet 2021

Ta beauté



J'ai trouvé ta beauté sur un coin de trottoir

en voyant couler l'eau le long du caniveau

mon écriture à toi n'est qu'un pauvre exutoire


Et voyant le Rimmel à tes cils en défaut

délayer la clarté voilée de ton regard

en un instant je suis devenu ton dévot


Quand le soir advenu sans bas tu te dévêts

sans fard et sans Bossa Nova venue du haut

je m'agrippe aux parois te servant de chevet

glissant sans cesse afin de finir en duo


Sur la glace où le temps patine à coups d'années

ton reflet m'apparaît je me veux ton gémeau

dans ton paradis nu je voudrais me damner

j'ai pensé ta beauté dans le rythme des mots

vendredi 30 juillet 2021

Essor



L'horizon se découvre en son dépassement

(ce feu je sais le mettre aux poudres d'escampette)

et l'astre au cou coupé dans nos déplacements


Je ne veux ni tubas ni tambours ni trompettes

afin de réclamer le grand remplacement

de la publicité par la voix des poètes


Écoutez les slogans dont ils ont accouché

— le sens issu du son susurre en cédant —

les blés sont harassés les récoltes couchées

par leur émergence et par leur rythme obsédants


Dispersée dans le vent l'écriture est semence

et cette mauvaise herbe est un beau coup du sort

elle explique en poussant l'humus où tout commence

au départ est le Verbe et le vers son essor

Animal



Distant du châtiment que le sort me réserve

en vain fantôme un train d'engrenage évanoui

fait place au sentiment dont rien ne me préserve


Enfin dans l'encrier se déverse la nuit

je voudrais martyriser les mots qui me servent

et les livrer d'un geste à ta langue épanouie


Je cherche évidemment ce début de brisure

un baiser sous la douche et sa pluie pour s'aimer

l'amour est fait d'attente et de stupeur obscure

et sa lumière étrange en est bien parsemée


Le fruit de la passion naît de la fleur du mal

et quand même envahi par ce bleu d'outremer

à genou j'userais de ton règne animal

il me faudrait rêver plus fort et moins amer

mercredi 28 juillet 2021

Désintégration



Seul un sourire en moi tel un bel arc-en-ciel

éclaire à la façon d'explosions de fusées

feu mon art absolu d'aller à l'essentiel


Exister dans la vie c'est parfois refuser

ce qu'un rêve a placé comme embûche au réel

et parfois lentement se laisser infuser


Détruit j'ai fait des trous dans mon emploi du temps

mitraillant l'horoscope à la quête d'un signe

où le rebond de l'âme à l'infini s'entend

la nuit tombe abattue comme en première ligne


Être seul est terrible et pourtant libertaire

être seul est subi mais vécu sans contrainte

être seul en revanche attendant de se taire

est la consolation de l'absence d'étreinte

mardi 27 juillet 2021

La Béatrice et Dante



Songeant que mon théâtre est la Seine à Paris

(le silence est un bruit qui s'entend en-dedans)

je déambule au gré de clichés équarris


Le touriste italien flashe en plus ou moins grand

ma Béatrice et Dante et là-bas quelqu'un rit

tel un masque on déploie la nuit sur un écran


La Femme est un mystère éternel et magique

un côté de miroir inaccessible au moins

touchant le fond de tain qu'on maquille allergique

à tout ce qui marri m'a laissé sans témoins


Je n'ai plus de baisers que ceux des croisements

sur les quais près de l'île et que les bouquinistes

en mettant à la page un tas de vieux amants

n'ont pu ranger qu'en un destin déterministe 

lundi 26 juillet 2021

Jazz poétique



Je plonge en ton image ainsi quand je m'endors

il y a ton regard en moi dont je me damne

et la nuit qui m'enferme est vraiment sans remords


Avant qu'il ne pleuve et que ta beauté ne fane

il faut rêver pour conjurer le mauvais sort

or je n'étais qu'un gueux léchant ta main diaphane


En va-nu-pieds damné j'ai rompu l'harmonie

marcher écrire et jouer ont en commun le rythme

et persiflant je n'ai pas peur des calomnies

t'aimer à ma façon c'est rater une rime


Escamoter le verbe où des tristes barreaux

transforment en prison l'échelle heptatonique

écrire à ta pensée du vers être un bourreau

la dissonance en mots c'est le Jazz poétique

samedi 24 juillet 2021

Flore



J'ai rêvé trop souvent la beauté dont on meurt

en liane carnivore on est soudain ravi

que sa constriction broie toute autre saveur


Écrire est un pari qu'on se fait sur la vie

qu'on soit loin de Paris qu'on soit juste en son cœur

on se bat la chamade et les vers en dévient


J'ai posé sa splendeur au creux de ma mémoire

elle était en portrait sur une toile ancienne

et son sourire éclate et c'est mon assommoir

il n'y a pas de flamme identique à la sienne


Et son ombre est tout entière au fond de mes mots

de leur capacité d'émouvoir et d'éclore

on écrit comme on aime et même au fil de l'eau

de la faune et de l'air et parfois de la flore

vendredi 23 juillet 2021

Les terres rares



J'ai bien rempli les blancs du vide existentiel

et bien broyé du noir au clavier de la vie

quand j'ai payé le prix des tristesses du ciel


Hors emploi c'est en pluie, que la foi s'est enfuie

ton regard est mon sens et ton âme essentielle

embrasse-moi regonfle aussi bien ce qui fuit


Puisqu'on finit toujours en se décomposant

pourquoi saler la note à chaque partition ?

La clef se perd hors-sol et loin des plantations

loin des ordinateurs et loin des composants


Je pars à la recherche ainsi des terres rares

où nous pourrions rêver sans trêve et sans limites

en doutant toutefois que ce ne soit par Art

et que ce beau pays doré ne soit qu'un mythe

dimanche 18 juillet 2021

Misanthrope



La nuit s'étend coulant telle une tâche d'encre

il n'y a pas d'idée géniale à moins d'absence

et la mienne est entière attachée comme une ancre


On dérive à vue d'œil et dans le non-sens

au lieu d'un bon élève il ne reste qu'un cancre

et son papier qui brûle est sans incandescence


Il faut dégénérer dans le tout petit feu

de solitude infâme où je m'enferme ainsi

ménageant le bûcher qui m'ouvre à l'aveu

de mon incertitude au cœur de mon récit


Je me suis relevé de béquille en poème

et la vie je la dois à l'imagination

l'amour est un enfant de pute et de Bohème

et ce bordel ambiant n'a jamais fait nation

jeudi 15 juillet 2021

Bagnarde


L'appétit d'océans conduit aux mers intimes

à cette découverte on s'arrête et nerveux

le centre est occupé par une faille infime


Il faut parfois laisser mourir en son linceul

l'amour et sa brindille où brille autant le feu

que son étouffement sans oxygène et seul


Le jour est en manteau dans un été de pluie

la nuit comme écritoire est planche de salut

mais tant tu l'adorais ne pense plus à lui

qui t'a bien trop flattée mais beaucoup trop peu lue


Toute heure est à l'oubli — c'est la question du Temps

qui fuit — mais tu n'es plus la jeune écervelée

qui s'accroche à l'inéluctable et souviens-t-en :

l'attachement est lien, le lien fait le boulet


https://soundcloud.com/annaondu/bagnarde

dimanche 11 juillet 2021

Point sonnet



Fabriquer l'avenir est un jeu de moyens

puisque on le cultive en ignorant ses poisons

vraiment pas de plaisir et de mérite encor moins


Quant aux dieux végétant que l'on prie sans raison

cultivant le mariage on est d'eux sans témoins

l'amour est un légume absent des oraisons


Quand il s'agit de pleurs à produire en ruisseau

j'ai tendance à laisser la pluie faire à ma place

et laisser l'alarme inutile aux pré-puceaux

dont les mots sont des shows qui me laissent de glace


Elle est là qui me lit dans son lit bien au chaud

mes vers à son regard ont l'ardeur attelée

sa passion me bat froid tout au moins peu me chaut

le poinçon du désir est bien trop martelé

samedi 10 juillet 2021

Perlimpinpin



Imaginer l'instant c'est rêver pour les autres

et disperser l'espoir en jetant poudre aux yeux

tout fascine aisément jusqu'à temps qu'on se vautre


Un petit peu de pluie put aplatir un pieu

dressé face au destin qu'on ne voulait pas nôtre

et le château de l'âme est souvent bien trop vieux


Je n'ai rêvé que de baleine à part la pluie

je suis comme un crapaud désireux d'un baiser

la violence attirante est un piège infini

mais la princesse est morte et le conte défait


L'amour est comme un puits : on s'y mire on y tombe

impossible après ça mains nues d'en remonter

l'amour en fin de compte est bien comme une tombe

enterrant l'illusion de notre identité

vendredi 9 juillet 2021

L'enclume



Satanées sept années que je vis en ermite

en croquant de l'oyat sur le sable des dunes

et que mes vêtements sont bouffés par les mites


On pense à ses enfants dont le manque de thunes

irrite aussi pourvu qu'aucun d'eux ne m'imite

on songe aux ratés d'une vie mal opportune


On rêve aux trahisons que l'on a pu subir

et que la mort dans l'âme on s'est du d'accepter

le bonheur est faible et le malheur a ses sbires

on agit dans le vent sans vraiment tout capter


Le véritable amour est bien désespéré

l'encre y est de goudron quand s'y laisse la plume

et la moindre souffrance est un souffle apeuré

traînant ce lourd boulet comme on traîne une enclume

samedi 3 juillet 2021

Mémoire affligée

Ma mémoire affligée pourrit dans le cercueil

apprêté de mes mots face à son absence

et leur vague idée n'est plus que leur écueil 


Or, quand de ce qu'on dit se perd un peu le sens

interdits, nous restons comme un fruit que l'on cueille

en pensant de nos plaies la honte et l'indécence


Alors, à se complaire un peu dans son malheur

écrit-on mieux ? Comprend-on mieux les déchirures ?

On comprend que l'Amour en vérité n'est qu'un leurre

et que le Poème est seul à soigner sa rature


Elle est née dans sa rose il est né dans son chou

la théorie du genre est-elle en botanique

un souvenir odieux qui nous a mis en joue

doit-on de fait souffrir ou s'ouvrir à l'unique ?