Au
petit bois de Trohonan,
J'ai vu l'horreur dans son
linceul,
C'était au temps des résistants,
Je m'opposai, mais
j'étais seul...
C'était
au temps des résistants,
C'était au temps de la victoire,
Quand
toujours aux derniers moments,
D'autres se joignent à la gloire.
Quand
toujours aux derniers moments,
Pour des lauriers imaginaires,
Des
diables s'habillaient de blanc,
Dans la vindicte populaire.
Des
diables s'habillaient de blanc,
Après des années de silence,
Ils
amplifiaient les cris stridents,
De ceux qu'on entendait en
France.
Ils
amplifiaient les cris stridents,
J'ai entendu tomber l'insulte,
Le
crachat, le geste violent,
Sur cette enfant à peine adulte.
Le
crachat, le geste violent,
Ombrageant ces jolis yeux
clairs,
Plaisant aux officiers all'mands,
Comme aux garçons du
Finistère.
Plaisant
aux officiers all'mands,
C'était son crime inexpugnable,
Ell'
devait payer au comptant,
Comme une putain véritable.
Ell'
devait payer au comptant,
De cette humiliation publique,
Etre
d'eux tous un défoul'ment,
Une excuse à l'autocritique.
Etre
d'eux tous un défoul'ment,
Tondue comme un enfant pouilleux,
De
ses jolis cheveux tombant,
Comme les larmes de mes yeux.
De
ses jolis cheveux tombant,
Remplacés par la croix gammée,
Objet
de pseudo-résistants,
Devant la ville et ses huées.
Objet
de pseudo-résistants,
J'avais dit non, non, s'il vous plaît
!
Mais la foule d'un seul tenant,
De sa haine me repoussait.
Mais
la foule d'un seul tenant,
Riait, riait, riait, riait !
Quand
les trois suppôts de Satan,
La bousculaient, la malmenaient.
Quand
les trois suppôts de Satan,
Décidèrent de l'emmener,
Mon
oeil, de pleur encor brillant,
Mon coeur, de peur crut tressauter.
Mon
oeil, de pleur encor brillant,
Les vit la mettre en
camionnette,
Et d'angoisse, mon coeur battant,
Prendre la route
de Plouhinec.
Et
d'angoisse, mon coeur battant,
Comme un tambour, sut
disparaître,
Sur l'autre rive, à Trohonan,
Cette esclave en
proie à ses maîtres.
Sur
l'autre rive, à Trohonan,
Mes jambes trop vieilles, trop
lentes,
J'accourus tel un pénitent,
De tant de faiblesse et
d'attente.
J'accourus
tel un pénitent,
Sur l'autre rive et dans le bois,
Je vis
retourné fraîchement,
L'humus d'un drame en cet endroit.
Je
vis retourné fraîchement,
L'humus que mes ongles grattèrent,
Et
le joli corps pantelant,
Que mes rivières nettoyèrent.
Et
le joli corps pantelant,
Victime des derniers outrages,
Se
reposait solidement,
Dans mes bras solides et larges.
Il
reposait solidement,
Recouvert du caban marin,
Qui avait vu
l'extrême Orient,
Pour finir sur ce joli sein.
Il
avait vu l'extrême Orient,
Mais c'était sans
extrême-onction,
Que je portais à ses parents,
La chair de
cette enfant sans nom.
Je
la portais à ses parents,
Statues de honte et d'émotion,
Dont
la douleur en cet instant,
Faisait écho à sa passion.
De
leur douleur en cet instant,
Point question n'était de
justice,
Car dans l'ivresse du moment,
Elle était punie par
son vice.
Car
dans l'ivresse du moment,
Trois monstres se frappaient le
ventre,
Protégés par les faux-semblants,
Des lieux dont ils
étaient le centre.
Protégés
par les faux-semblants,
D'une France enfin libérée,
Où ces
petits débordements,
Devaient être dissimulés.
Dans
ces petits débordements,
En peine de preuve à fournir,
Je fis
prière et fis serment,
Et de par trois fois les maudire !
Je
fis prière et fis serment,
Sachant leur avenir morbide,
Que
mon arrièr' petit enfant,
Raconte un jour leur fin sordide.
Que
mon arrièr' petit enfant,
Porteur de mémoire héritée,
Montre
le bois de Trohonan,
A l'enfant qu'il va protéger.
Michel P © 2005