vendredi 23 juin 2017

La Béatrice



© Natalia Kovachevski
https://lunamodel.book.fr/


Chaque cercle est à l'Enfer une porte
Et l'on franchit aisément ses paliers ;
Que je vous aimasse ou que peur importe,
Il est évident que je suis à lier.

Vous êtes la détentrice ingénue
Des clefs de Saint-Tuf qui me cadenassent,
Et quand je vois Béatrice ainsi nue,
Mon idée calque, erre en elle ainsi nasse !

En elle ainsi passe — onde magnétique
Où l'eau-forte est un effet surprenant —
Le courant d'un Styx hypothétique,
Imbu d'un talent d'agile apprenant.

Vous étiez la Dame inscrite en mes rêves,
Aussi de mes cauchemars une reine,
Il m'a fallu dans l'Enfer où je crève,
Aller vous chercher pour que je comprenne :

En elle aussi court un air fait des mots
Qu'Orphée mon secours aurait pris de lyre,
Et que Rodin pris de glaise et d'émaux,
Façonnerait encore en mon délire.

En elle un sang s'écoule et mon Léthé
Vient se tarir en son sein parfait ;
Tout ce qui n'est plus mais chez Vous l'était,
Tout ce qui n'est plus à faire est fait.

Vous serez belle aux yeux de vos amants
Mais plus à ceux de mes tristes soupirs...
En chaque huître on cherche une perle, on ment,
Mais vous aimer, c'est le meilleur empire.

mercredi 21 juin 2017

Cybérienne






J'ai vendangé des morts aux fins d'un bon sang d'encre
où l'écheveau garçon, récitait son Pater,
on n'est pas périlleux quand on est comme un cancre
et qu'on se sert de l'autre en broutant son parterre.

On n'est pas méritoire en laissant la dérive
aux mains des justiciers qui ne comprennent rien,
dont la barque alourdie par le poids des deux rives
empêche à la parole un voyage aérien.

J'ai sous les blés blessés d'anonymes récoltes
engrangé les ferments de ma littérature,
et compté sur tes dents le barillet du Colt
où ton sourire explose, et c'est sa signature !

On n'est pas courageux lorsque l'on se contente
à brosser des portraits sans l'éclat de tes yeux,
sans la révolution ni la guerre latente
où l'amour apparaît tel une Vierge aux cieux...

J'ai pris la décision de partir avec vous
sur la route inconnue du désert cybérien,
rien ne vaut l'un à l'autre à ce point qu'on dévoue
le tutoiement de l'âme aux bouquets vénériens.

Vous avez dans l'iris un reflet de l'Oural
et dans vos hésitations, quelque chemin de fer ;
On voudrait s'oublier comme on perd à l'oral
une façon de dire, une façon de faire.

mercredi 14 juin 2017

Emmanuel






Sur le doigt de Saint-Jean-Baptiste,
une larme réprobatrice
écoule son sourire autiste
et ses façons d'institutrice...

Il me dirait ce qu'il est bon,
ce qui relève enfin du mythe ;
ou ce qui fait qu'on fait des bonds
dans des impulsions sodomites ?

Et d'un doigt l'attrait péremptoire
où — présidant la République —
on oublie comme au réfectoire,
indéfini le vieux schmilblick...

Ô Jupiter, en tes cieux bleus
comme un Dollar impressionné,
je vois sans issue ce qu'il pleut
de tes soins non-conventionnés.

L'eau coule et les pigeons roucoulent
un doigt tendu signe à l'azur
un chèque en blanc dont l'encre coule ;
aux droits la Gauche offre une usure.

Ébahissant les oliphants,
d'aucuns vont sonner l'hallali,
mais pourtant si l'on s'en défend,
pour moi le dessus c'est la lie.

La France a perdu sa musique
et tous ses chants de patriotes ;
elle a des barreaux amnésiques
en guise de bureaux de votes.

Elle a la chiasse aux papillons
qu'on lui cocarde sur les yeux,
la vérité d'un goupillon
dans un mensonge fallacieux.

mardi 13 juin 2017

Les alizés sénégalais (republication d'un texte de 2005)



Las, un jour, je me suis endormi,
Par une belle après-midi,
Sur le sable toujours chaud
Qui vient des déserts tropicaux.

Ceux-ci s'achèvent dans la mer,
A l'Ouest, la langue étrangère
De sables, investie par les vents,
Et rafraîchie par l'océan.

Las, un jour, je me suis endormi,
Par cette belle après-midi,
C'était je pense en Février,
Sur moi soufflaient les alizés.

Ces vents violents de l'Atlantique
Suivent la route spécifique
Des courants de haute mer,
Du commerce triangulaire.

Venus comme moi du Nord
Jusqu'à la plage de N'Gor,
Ils amortissent le soleil,
J'en fus l'enclume dans mon sommeil.

Leurs souffles froids presque irréels,
Travestissent les feux du ciel
Qui sans pitié dans ces contrées
Viennent brûler les peaux de lait.

Et lorsque l'on m'a réveillé,
Le Land Rover nous attendait,
Le corps bruni comme la nuit,
Mon cœur d'Afrique pour la vie.

samedi 3 juin 2017

Le troisième soleil






Blaise a parlé du « Grand Christ Rouge » à Moscou
Coulant comme un cierge à la cire encachetée
Comme un oiseau-lyre a des portées qu'on secoue
Comme un goulag a des barreaux encachottés.
Blaise a parlé du Transsibérien
Du « Roum-vroum-vroum »
Des bandits, des vauriens
De Lui, de moi, de nous, de rien
De ceux qu'on déporte
Et des battants de porte
Et de leurs entachés grooms
Des mélodies du rail et de la beauté des femmes
À laquelle il était attaché
Tel un obus l'était à quelque tranchée
(Sur son corps d'armée tatouée
La phrase du poète au doigt mise infâme
Au cœur de la glaise inavouée
Et cette main perdue
Par hasard, au gré d'une dérive éperdue).
Nous avons causé de sculpture...
On a devisé sur Rodin.
On a plaisanté sur Claudel.
Ah... L'homme et sa nature
On se camoufle d'elle
Afin de paraître anodin.
Blaise a prophétisé des soleils hémophiles
Une incartade insolite au creux des battants
— Qu'importe ? —
Une horloge alerte à la danse en mots file
une laine de vers dont je vais débattant
M'apporte
Un fil de discussion
Sommaire exécution...
Nous noterons donc, à la Table des matières
Un hiatus
Et les trois soleils de Fatima
La beauté des femmes musulmanes
Et l'étrangeté de ce que le rêve arrive à raconter.
J'effroi !
(Le ressenti de Jeanne...)
J'ai couché bien volontiers contre son corps adorable à Fatima...
Sa peau colorait la mienne.
Elle emplissait mon âme avec des lampées de désir
Avec des brocs de plaisir
Et ce contact inimitable
Ayant fait Dieu dans l'étable.
En couchant sur ces lignes
Un peu d’intuition
Ma peau parle un peu mieux de l'innocence
Et des soleils de Fatima
Que les pauvretés que l'absence
Habille avec les chiffons du coma.
Je suis venu dans un autre monde avant trois ans.
Le miel coulait comme une chevelure avec ses reflets changeants.
Sans aimer d'Elle mon anonymat
J'aimais sur moi sa folle quintessence.
Il fallait la voir !
Elle était ma large aînée — quelques mois...
Il fallait l'avoir
Ou se rendre
À notre tendre enfance où se définit le Grand Amour.
Ce n'est pas par hasard que Notre-Dame a choisi des enfants pour se déclarer...
D'ici, les enfants se sont fait mal à grandir.
Ils ont poussé comme des racines d''arbre dans les murs.
On se faufile, et faux-fil est pernicieux dans nos labyrinthes.
Un espoir à l'agonie rugit tel un fauve !
On minimise un minotaure ?
Eh bien, les fils arianistes en dérouleront l'écheveau vapeur
En brûleront des cas endoloris
Par l'apnée de notre imagination strangulée.
Je voudrais comprendre un peu mieux ce printemps 1917.
On y cultivait des charniers afin qu'y poussent un jour des coquelicots.
Le rouge est la couleur au mieux partagée
Par les draps, par les peaux
Par les drapeaux de la vieille Europe
Ignoble catin sénescente
Envoyant ses enfants à la mort afin de s'en repaître
Et de ruminer leurs cadavres à l'infini
Dans des cérémonies
Dans des sépultures innommables
Anonymes
Exécrables
Et des assassinats sous des calicots.
J'aimerais creuser le mystère inhérent à Fatima.
Le mystère inhérent à la femme qui m'aima.
Le mystère inclus dans le troisième soleil et dans sa danse
Un soleil protéiforme auquel mon Vincent, mon Van Gogh
Avait consacré l'une de ses prophéties.
Nous devrons mourir afin que vive une idée de l'Humanité.
L'Humanité
Ce Grand Mot de Jaurès
Et des sentiers que le granit affleure
Au fin fond des Aurès
On sait bien que rouge est la fleur
Au revers du veston du Messie.
Mais le « Grand Christ Rouge » assez cher à Blaise
A ses chairs à vif
Et ses tablettes à Drancy
Dans des boulettes de suif
Et des montagnes de glaise.
On sait bien que l'or est un symbole
Et que le Graal est un bol,
On sait que notre âme est remplie
Pour s'être un jour, un seul au moins senti vide
Et que tout moindre repli
N'est que le reflet de notre être en vrai moins qu'impavide.
Un troisième soleil ?
En fut-il déjà deux ?
La vérité n'est que géométrie que dessinent les mains du discours.
Une jeune Europe a su tuer sa mère...
Avec ses tâches de rousseur et ses traits maghrébins
Prêchée sans curé, sans imam et sans rabbin
J'aurais tendance à l'acquitter !
La France acquise encore à son passé
J'aurais tendance à la quitter !
Quant au troisième soleil de Fatima, quel est-il ?
On sent le souffle de la danse astrale à laquelle un peintre nous convia
Chanter l'incohérence et le chaos
Chanter la souffrance et l'écho
Chanter de nos empires un mieux des via
Déviant de ce qui mène à Rome
À ce colosse aux pieds d'argile
À nos fois pour le moins fragiles.
Un nouveau monde est à la porte
Effrayant quand on le voit au Judas
Mais qui sait vraiment qui l'emporte
Entre une rose un réséda ?
Si Fatima plutôt qu'au Portugal
Était le prénom d'un amante
Il me faudrait traiter d'égale
Une amoureuse fascinante.
Et c'est cela que le dernier soleil
a révélé dans sa merveille.