dimanche 28 mai 2023

Contradictions

 


Nous ne serions plus rien si nous comptions vraiment

sur les doigts défaits par les lignes de nos mains

sur un oracle idiomatique et qui nous ment


Nous aurions oublié le supplice inhumain

de ces moments où nous patientons vainement

dans la grande attente abstraite où l’on en nomme un


Qui deviendrais-je alors un prince un peu truand

la nuit n'appartient qu'aux voleurs assermentés

comme les nuits de Paris du temps de Bruant

peuplées de beautés qui nous avaient aimantés


L'envie de vivre est un poison récalcitrant

le citron récurrent de ma sombre addiction

l’acide absolument fait pour être un intrans

nous nous perdons au creux de nos contradictions

vendredi 26 mai 2023

À coups d'Poe

 


De chaque alexandrin parfait que je t'écris

je voudrais ressentir un écho désirable

et de ta musique un morceau fait de tes cris


La plume est alourdie l’envol est misérable

je rêvasse au corbeau puis soudain je m’écrie

mais qu’ai-je abandonné pour l’avoir sur le râble


Il me croasse à l’oreille et mon encre est noircie

je suis de ceux perdus que le Spleen envahit

mon âme est une éponge elle en est bien farcie

je t’aime et néanmoins tu m’as déjà trahi


Je suis dans la prison d’Oscar Wilde à Reading

et sous les quais de Dublin la Liffey s’écoule

un peu comme une larme et ta joue me rend dingue

Edgar Alan a dit ma maison qui s’écroule

mercredi 24 mai 2023

Plus ne m'est rien

 


Plus ne m'est rien mais le désir est incertain

c’est un enduit parti d’un très mauvais lavis

plus rien ne tient sur les volets de nos yeux teints


Mais dans les miens rougis dont on voudrait l’avis

je me raconte un peu des nuits jusqu’aux matins

nous écrivons pour boucher les trous de la vie


Le désir est une question de circonstances

ôté de toi je suis l'enfant de tes menstrues

l'amour commence avec la fin des espérances

et les afflux sanguins sont une grande crue


Chaque instant du passé se décline en image

on est son propre père on est son propre fils

on chevauche une vague écrasée sur la plage

aimer est bien par contre un jeu de sacrifices

mercredi 10 mai 2023

Fugace

 


La vie s'écoule en sentiments son bateau coule

un Rimmel une alarme une encre indélébile

un maquillage envahissant mais rien n’est cool


On rameute à grands cris les vauriens les débiles

un slogan m’a suffit ces deux mots qui roucoulent

à ton oreille en mes paroles malhabiles


Il est hasardeux de penser à l'avenir

alors que le présent n'est qu'un fœtus affreux

je n’ai maintenant plus personne à prévenir

il me reste en couleur un corbeau noir au freux


Ce charognard est mon image il se nourrit

d’un souvenir obsessionnel et qui m’agace

et tout s’oublie pourtant quand rien ne nous sourit

nos relations ne sont que des instants fugaces

samedi 6 mai 2023

Retour au front

 


La lumière en l'art en retirant l'abat-jour

a fermé la frontière à mon dernier baiser

la nuit n'est l'ennemie que de nos mauvais jours


En écrivant ces mots d’un stylo malaisé

je repense à la guerre envahissant toujours

il m’en cuira j’en garderai le cœur braisé


Créer c'est apprendre à s'oublier pour renaître

on prend au goutte à goutte un peu d'amour on meurt

on résiste on subsiste on se fond dans un être

et si l’âme est notre arme elle est mise à demeure


Alors une question lorsqu’on retourne au front

se pose à nous soldats qui figurons dans leurs rangs

ce qui compte est l'inspiration que nous offrons

la sensibilité s'exacerbe en pleurant

lundi 1 mai 2023

La trilogie du paradoxe à Paris

 



L'intristesse


On n'est pas vraiment triste en n'étant pas joyeux
mais la neutralité de nos tempéraments
nous intime au silence en étant sourcilleux

C'est la fatalité de ces vieux sentiments
qui nous guide à présent vers tant d'autres beaux cieux
qu'on se risque à s'avouer tous les maux qu'on se ment

L'intristesse est en nous comme un calme marin
de l'âme un pot-au-noir à repris possession
les nuages pesants pissant de leurs bas reins
sont les marques gravées de nos compromissions

Ne reste plus dès lors qu'un morceau de rancœur
un petit peu brisé par cette déception
qu'on retrouve en doutant des syndromes du cœur
et du verre abîmé d'une montre acception




Rançon


Nous trainons les miasmes de nos réminiscences
en chaque endroit d'où nos vies se sont relancées
souliers percés dont la chaussette est quintessence

On fait des ronds de jambe en vers et contre pieds
Cherchant un lieu d'aisance et même de naissance
et nous ne marchons pourtant que comme un crustacé

De travers et chemin faisant nous avançons
nous reculons aussi vers un passé meilleur
en reconvertissant notre âme en rançon
que le diable en profite à sa façon d'ailleurs

À chaque pas dévisse un flot d'incertitudes
et pourtant j'étais venu clarifier les choses
elles le sont du clairon d'une sale habitude
où s'abandonne une idée que maintenant j'ose




Au Colibri (suite et fin)


Juste avant l'orage éclatant soleil occis
je suis retourné m'asseoir au Colibri pour boire
un verre de Pouilly regardant les taxis

Sous l'ondée ruisselante en dégustant pour voir
à quel point le bon vin mène à l'ataraxie
Je me demandais si j'en avais le pouvoir

Songeant au paradoxe issu de ces moments
sachant qu'en sentiments je suis chasseur de prime
il me fallait vraiment rétablir un Roman
ma plume est le reflet de ce que l'âme exprime

Au Colibri j'ai vu l'éclaircie revenir
au temps d'un ver'de blanc posé sur la mémoire
et Proust et sa Mad'leine en place d'avenir
ont délavé de pluie les mots des vieux grimoires