dimanche 29 octobre 2023

Infinie

 


D'infinis univers ont hanté nos mémoires

on écrit pour les dire en quelques mots succincts

sur les feuillets ridés de nos plus vieux grimoires


il y a du désir — on n’était pas des saints —

quelque peu de plaisirs et ce grand entonnoir

évacuant nos dessins sans le moindre dessein


L'inspiration n'est plus qu'un fantôme invoqué

le Poème n’est plus qu’un reflet douloureux

de tout ce temps perdu qu’on voudrait convoquer

dans l’espace étroit du souvenir amoureux


Posons-nous la question du pourquoi nous vivons

précisément lorsque la relation finie

nous dicte en tremblotant le peu que nous savons

quoi qu’il en soit mon écriture est infinie

vendredi 27 octobre 2023

Transfuge

 


Toute attirance en fait n'est qu'un élan sans fin

ce feu qu’on étouffe et qu’un désir ignifuge

a fait son âtre au cœur âpre inné de nos faims


Dans ce jeu de dupés je ne suis qu’un transfuge

un vivant qui parfois n’est plus rien qu’un défunt

l'Amour est un transfert il n'est pas un refuge


À la psychologie qui se trouve en échec

on répond par un poème éveillant l’intérêt

mais quoique l’on angoisse ou que l’on signe un chèque

en blanc-seing de sa peur on en reste atterré


C’est en pompier bon œil enfin qu’à l’exhumer

le souvenir ultime à nouveau dans nous rentre

en fragilité d'être est l'hésitation d'aimer

la passion se résume à des mots qu'on éventre

mercredi 25 octobre 2023

L'automne au bout du Monde

 


L’automne est arrivé muni d’un parapluie

la saison de la boue tendre et des feuilles mortes

aussi de la mélancolie collant à lui


J’imperméabilise et de tout ce qu’il porte

inondant mes pensées l’étincelle a lui

comme un feu rougeoyant d’un brasier qu’il apporte


Il faudra bien deviner un jour à quel point

l'acte amoureux suffit dans notre perception

de l'existence et dans l'oubli de l'embonpoint

qui nous guette aux croisées de notre déception


Mon âge et ma laideur en feront fuir encore

et pourtant je devine une issue moins cruelle

en lisant mon délire à propos de ton corps

en octobre à mes mots mon poème est truelle

dimanche 22 octobre 2023

Les poètes maudits

 


Toute attirance est comme une irruption d'acné

comme un besoin physique irrépressible et fort

où toute la pulsion se transforme en acmé


Je te désire enfin mais sans le moindre effort

et face à ta beauté je ne suis qu’un pygmée

j’écris tout ton portrait que je crie haut et fort


Enfin je me dissous pour dix sous éperdus

le désert — quel qu'il soit — est émancipateur

et l'avenir est fait des illusions perdues

mais je t’adore encore écrivant à cette heure


Un regard à ton corps est l’écho qu’on en dit

quand la Poésie peint les belles amoureuses

on se régale au son des poètes maudits

de leurs chansons traitant de ces heures heureuses


samedi 21 octobre 2023

Transnations

 


Dicte-moi tes désirs et j'en ferai des vers

ondulant dans nos corps en nous décomposant

la musique abrutie dont l’essor est sévère


Et dont le sort abstrus qu’on croyait supposant

menait à l’écriture et la tête à l’envers

à l’amour infini sur nous se déposant


Ta chair est attendue ton corps est Poésie

je n'ai que le toucher pour te faire sentir

à quel point je te veux pour te l'écrire ainsi

quelle est la partition juste à se ressentir


En effleurant de mots la douceur de ta peau

comme ma plume avide écorche le papier

j’égratigne amoureux la couleur des drapeaux

dans l’étang de la vie sans Toi je n’ai pas pied

Thérèse

 


La nuit comme un fantôme a recouvert mes yeux

ce n’est pas un miracle et néanmoins je suis

en Normandie mais je ne suis pas à Lisieux


Thérèse en diérèse est l’esprit que je suis

petite sainte enceinte en l’Esprit facétieux

ton image envolée commande à qui je suis


Tout est flou j’imagine un peu de repentance

un air de rien saisi par le froid de l’image

une jolie femme amoureuse en résidence

et de la Poésie sortant de mon plumage


Et si l’écriture est à ce point volatile

un seuil en chaque nuit se franchit dans nos rêves

on sait profondément ce qui nous est utile

les yeux bleus sont pour moi comme un jour qui se lève

lundi 16 octobre 2023

Toi l'inconnue

 


Mon esprit transpercé de pancartes fléchées

cherche un chemin pour te trouver Toi l’inconnue

mais il reste terré comme un ours mal léché


Je te rêve en parlant Toi ma belle ingénue

tu devrais m’interdire et pourtant m’allécher

puisque ce qu’on se dit c’est une mise à nu


La solitude est une compagne exclusive

écrire est la façon de s'y mettre à la place

en pensant de mon âme à ton âme adhésives

un espoir impossible un fantasme de glace


Et dans le « j’en ai marre » où je n’avais plus pied

tu mûrissais bien avant que je ne te touche

aimer charmer mourir en laissant des papiers

le fruit de nos passions pourrira sur nos bouches

samedi 14 octobre 2023

Pont Alexandre III

 




Je me souviens de toi Pont Alexandre III

l’eau de la Seine avait le vert de ton regard

et ton galbe sublime affirmait mon détroit


Que pouvais-je franchir en ayant l’air hagard ?

Ayant l’air apeuré d’être trop à l’étroit

d’oublier ta beauté comme un train mis en gare


En te voyant marcher ma princesse en ces ombres

ignorant les fossés de Saint Germain ma place

on eut dit que tu fus au plus clair au plus sombre

une idée du parfait né que rien ne remplace


On eut dit que tes pas laissant de l’or en trace

éblouissaient ma vue mais c’était vagabond

car je n’ai plus l’adresse et je n’ai plus l’audace

afin de te séduire et de t’aimer pour de bon

vendredi 13 octobre 2023

L'été 2019





Nous étions à la charnière

entre le mois de Juillet

le mois doute

et mon père étant grabataire

avait donné les clefs de sa maison

non sans quelque éclats de voix

mes enfants restant chez moi

— dans la précarité de ses gestes —

à son fils.


Alors, en laissant mes gamins adolescents libres

en m’envolant seul en direction de Paris

j’entrais dans le train normand

qui m’emmènerait Gare Saint Lazare

et par le Météor (un métro sans conducteur et nommé « la 14 »)

à la Gare de Lyon

Sous une indicible effroyable et folle canicule

(en sortant du train climatisé

je croyais mettre au four un corps entier !)

Paris crépitant comme un barbecue

Paris fait de braises et de souvenirs

une chaleur écrasante

un météore en combustion

puis le RER en direction de Maisons-Alfort

de France

un gentil monsieur noir offrant un mouchoir à mon front dégoulinant

la sueur réunie d’un peuple entier laborieux

dans une rame à 40°C

Paris température extrême

et sa plage à la crème

en forme de tarte aux opinions

Je revenais dans les lieux de ma jeunesse amoureuse

un peu comme on revient poète à Moscou.


Je ne me suis pas endormi ce soir-là

puis l’orage éclata

le matin c’était vêtu de vingt degrés de moins

raccourcissant l’escalier des émotions

dans la maison de mon enfance

au fond du jardin l’annexe avait tenté d’être forcée

mais ma résidence adolescente avait résisté

trente ans passés

j’étais de nouveau maître des lieux

je retrouvais toutes les traces de ma mère

un parfum de sa présence évaporée

trente ans passés

l’orage a toujours effacé la température et le temps

parenthèse enfin fermée

le jardin de mon enfance

où je m’imaginais champion de foot ou de rugby

recordman du monde au saut à la perche

— avec le squelette du sapin de Noël —

il me fallait néanmoins revenir au cœur de Paris.


Nôtre-Dame avait brûlé lors de ma venue précédente

et l’odeur était persistante

il faut que vous sachiez que mon cœur hybride

est autant de celui de Paris

que de celui du bout du Monde en Finistère

un cœur écartelé depuis le début de mon existence

entre un pôle existentiel

et l’autre un peu plus fantasmagorique

on est dans notre étendualité

J’étais dans le chez-moi du quartier Latin

des îles de Paris

de ces endroits que j’aime à partager

la Place Saint-Michel

et ses amoureux qui s’y rencontrent en mon nom

la Place Maubert

et son marché dont persiste le squelette en semaine

la Place Dauphine

et le bon vin blanc qu’on y consomme

et le jardin du Luxembourg où je me dorais la pilule en séchant mes cours

à côté

Place de la Sorbonne

où ma mère enceinte allait me promener durant les évènements de 1968

où ma mère arrivée du bout du Monde

apprivoisait Paris

faisant de son fœtus un enfant naturel issu de l’endroit

viscéralement

me partageant de fait entre un Finistère inéluctable

et la capitale en lettres ainsi nommées.


J’ai beaucoup écrit durant cette semaine à Paris

j’allais dans les bars

assis au comptoir

et de bar en bar

en buvant un verre à chaque endroit

j’écrivais un nouveau poème

évitant les pluies d’été

(bon prétexte à se réfugier)

j’écrivais ma vision du Monde en kaléidoscope

en prisme en arc-en-ciel

il fallait beaucoup d’inspiration

mais ainsi que Maïakovski

je ne crois pas en l’inspiration

je ne crois qu’au travail

à l’observation

je fais mon boulot dans mon coin

résistant aux influences

il est protéiforme et tant mieux

c’est le reflet du fonctionnement de mon cerveau

qui se refermait en rentrant le long des quai de Seine

en passant par le square Tino Rossi

par les fêtes dansantes de l’été battant son plein

croisant le sourire éblouissant d’une beauté

qui s’était rasé le crane

affrontant l’avenir au soleil égorgé dans le fleuve

et la Saint-Barthélémy de l’existence.


Il est bien temps que que je réécrive en escalier

pour les marches de Paris.


Mais je suis retourné rejoindre mes enfants.


Je ne suis revenu qu’en octobre

après la vente de la maison proposée

pour la vider

les enfants m’accompagnaient

Nous avons honoré le lieu par le boulot

c’est commun pour nous tous

et mon père est mort un peu plus tard.


En février 2020

juste avant le Grand Confinement

je suis venu rendre les dernières clefs

logeant à l’hôtel

rue de Sommerard (où l’on dort peu)

près du musée de Cluny.


Je repense à l’été 2019 où tout s’est décidé.

lundi 9 octobre 2023

Le voyage



Chaque amour est un grand voyage inabouti

rien ne tient dans nos vies quand on est submergé

par cette heure en passant qui demeure engloutie


C’est notre vague-à-l’âme et sa source immergée

qui nous pousse en avant vers bien d’autres outils

et nous chavire enfin mais nous laisse allongés


Je voulais t'aimer sur le rebord de ton ongle

et peindre ta beauté du vernis de ton âme

en usant de mes mots avec lesquels je jongle

en baisant sous tes doigts l’éclat doux de la femme


À chaque hésitation nous aimons mois qu'avant

à chaque instant ta main m’échappe et me rend seul

il me faudrait ton corps abreuvé par les vents

ta beauté dégoûtée me servant de linceul