mercredi 13 janvier 2010

Hispaniola





Je n'ai pas d'argent à donner pour Haïti (pauvreté) alors j'écris leur histoire afin d'émouvoir ceux qui ont l'argent pour donner.


Lorsque l'on constate une cicatrice
sur l'un des yeux du globe
andalou coup de rasoir à la Buňuel
la cica-triste frontière nord-sud qui fait partage de l'unicité d'une île
on se dit qu'elle a beaucoup souffert...
Hispaniola
c'est ainsi que la baptisa Colomb
venu instiller le poison d'une inextinguible faim catholique, blanche et apostolique
pour ce qui touche aux métaux précieux
et à la possession de ce qui ne devrait revenir à nul être
à nulle entité humaine
la terre nourricière
et l'âme
et le corps de l'Homme
si ce n'est à Elle
la terre nourricière
et à l'humanité toute entière.
Colomb donc
avec ou contre son gré
débuta l'éradication des indiens aborigènes d'Hispaniola
fidèle au culte du péché originel et de l'Adam chassé de l'Eden
en parlant de paradis espagnol
il apprit aux indigènes un concept qui leur était absent :
l'enfer.
Les fers
les fers brûlants de l'esclavage
de l'exploitation
de la scarification de la nature humaine et de la nature tout court
le fer de l'épée dont on connut le fil
emperlé d'indiens caraïbes
pourtant ce n'était pas Tahiti
mais Ayiti
« la montagne dans la mer »
Hispaniola...
Et le « pauvre » Colomb
– ah, mon colon, si tu savais ! –
broyé tout comme « ses » indiens par la machine sainte, catholique et apostolique
avide d'or comme Crassus
(qui le bu brûlant chez les parthes en guise d'extinguibilité)
avide de sucre comme un César empoisonné
le « pauvre » Colomb
avec son nom déjà rectal
l'eut dans l'os !
Hispaniola revint à la toute puissance de la sainte Espagne dont elle portait le pseudonyme.
Cette dernière organisa merveilleusement la traite des Wolofs
bêtes de somme immensément plus productives que les fientes indiennes disponibles
crevant trop vite de leur enfer
tandis que le bon neg'marron
importé des comptoirs d'Afrique
fournissait la main d'œuvre idéale
à coups de fouet
à coups de boutoir
à coût réduit
à bon bénéfice
à bon nègre, Bene Fils, Bene Père
et pour le reste l'esprit sain...
C'est ainsi qu'Hispaniola
île surnommée de Saint Domingue
et passée Ayiti
et future Haïti
se peupla des couleurs sombres de nos cousins sénégambiens
sur une ordonnance de Ferdinand
- retenez bien le nom de ce désar-roi
qui créa là le commerce triangulaire
retenez-le pour le vomir tous les matins
sur une tranche de pain béni –
c'est ainsi qu'Hispaniola devint
loin des rêves de Colomb
le premier camp de concentration.

Lorsque l'on constate une cicatrice
sur l'un des yeux du globe
andalou coup de rasoir à la Buňuel
la cica-triste frontière nord-sud qui fait partage de l'unicité d'une île
on se demande ce qui l'a provoquée...
On fit beaucoup d'argent sur la canne à sucre ici
– tout le monde sait que Colomb avait menti sur l'or –
mais peu à peu l'avidité de l'or
tourna les regards des conquistadores
vers d'autres horizons
et de cette délétion
des vides d'ambitions
d'autres farfouillèrent à s'en remplir les fouilles
des boucaniers
des éleveurs à l'arrache
fournissant en viande les flibustiers français de l'île de la tortue
juste au-dessus
à coups de fouets toujours
à coups de hache
fournissant les dépeceurs des dépeceurs du nouveau monde
– car est ainsi faite la biologie qu'elle crée toujours un mal plus puissant que le mal –
toujours est-il que ces mercantiles français commencèrent à s'emparer de l'ouest d'Hispaniola.
Les champions maritimes de nos Louis
(qui ne furent pas d'or mais numérotés jusqu'au couperet)
encouragèrent cette ingérence
et peu à peu l'ouest de l'île devint un comptoir du pays dit des lumières
sans que ne change l'exploitation pour autant
la philosophie se trouve dans les livres
plus rarement dans les champs de canne à sucre...
C'est comme les révolutions !
Ceux qui les font crèvent
ceux qui les initient, comptent !
Il y a les comptables
les ouvriers
et les esclaves.
Ces trois classes sont travailleuses
Elles sont dirigées par ceux qui dirigent :
l'organisation est celle des camps de concentration
les comptables sont les capots
les esclaves ceux qui travaillent à en crever,
les ouvriers ceux qui les enterrent dans la fosse commune.
Vous voyez du changement dans l'ordre du monde, vous ?
On met parfois un peu de maquillage sur les lèvres des putes
mais les embrasser coûte toujours, malgré tout...
Coûte souvent la vie.
Au traité de Ryswick
– faire des traités sur des contrées de rêve dans des endroits aux noms de cauchemar –
le tiers Ouest d'Hispaniola fut reconnu français...
On y traitait le sucre mais aussi l'indigo
ô couleur subtile
extraite du sang du noir
– je ne sais pas si de mon sang sortirait l'indigo
de mon sang de blanc
qui est du même rouge –
puis vint la révolution
là-bas à la Bastille
puis vint Toussaint Louverture

- STOP – TOUSSAINT LOUVERTURE STOP -
- UN NEGRE VEUT REGIR UNE DEPENDANCE DE LA REPUBLIQUE STOP -
- LE COMITE PEUT-IL ADMETTRE CECI ? STOP -

Des révoltes cimarrones qu'un ami me conta, je prends mieux écho.
Le comité des insalubres publics finit par admettre...
Toussaint – quel inénarrable pied-de-nez à la sainte et catho et aposto – fut
nommé
« Gouverneur par la France, après avoir rétabli la paix »
« rétablit la prospérité par des mesures audacieuses »
Puis sur une une traîtrise de Dessalines, autre chef noir
– comme quoi les noirs se trahissent entre eux comme les blancs –
Il mourra en exil napoléonien
dans le Jura
d'un mal au dent
d'un mal au joues
au château de Joux
quand les dents de sagesse poussent en Haïti
il est difficile de trouver le bon analgésique...
Et le dit Dessalines devint « empereur »
d'Haïti
quelle blague !

Et ce sombre con de Rochambaud
l'homme qui change d'uniforme plus vite que son ombre !
Le faiseur impénitent de troubles partout
le nul en leçons de guerre comme en philosophie
mais dont on est fier parce qu'il a aidé à la naissance des états unis d'Amérique
c'est à dire d'un tyran
ce sombre con de Rochambaud a cru pouvoir triompher avec élégance de la négritude
mais s'est fait grillé la peau des couilles au point de dire
« Haïti est indépendante ! »
1804
Qui sait que le premier janvier 1804
Haïti fut la première république noire indépendante et libre ?
Qui sait cela ?
Qui sait cela parmi les vendeurs de rêves ou de rap ?
Dans l'histoire de Malcolm X
j'aime l'introspection de sa propre histoire
Ce garçon, pour peu qu'il fut provocateur
était dans une quête de compréhension
qui nous éclaire aujourd'hui.
Et dans sa quête
il comprit
que les peuples n'ont d'autre couleur que celle de leur souffrance
et que cette couleur
et souvent rouge sanguine
la couleur de leur souffrance
et qu'il n'est nulle couleur de peau
à pouvoir l'imiter.
Et qu'Haïti
après toutes ses dictatures
après le génie du père Aristide
espère comme nous espérons tous de la vie
des jours meilleurs
des jours moins pauvres
secouez vos bourses, vous les gens dont elles tintent !
Moi ? Je suis le frère de mes pauvres que j'imagine errer sans foyer
moi ? Je les imagine héritiers des tortures des tontons macoutes
et parfois je me prends pour Colomb
je m'imagine à refaire un monde avec eux
débarquant d'une Europe où j'ai fais mourir la religion
pour partager leur sort
pauvre contre pauvre
mais avec un abri
avec un avenir
avec un endroit où dormir
et ma foi dans leur devenir.

2 commentaires:

V MA a dit…

Beau texte, hermano, puissant, direct, sans pitié mais sans larmoiement.

Néanmoins, le vers sur les Etats Unis... bon, mettons que là dessus on sera toujours en désaccord !!!

En passant, puisqu'il semblerait qu'une distance se soit créée, je la réduis, et te souhaite une très bonne année pleine d'amuuuuuuuuur(s) ;=)

@+++

Michel P a dit…

Merci Vincent de ta chaleureuse présence à ma lecture, et de tes encouragements. Ah ! Le vers sur les states... Il y a de bons tyrans, parfois ! ;-)
Dans l'histoire d'Haïti, ils l'ont tout de mm annexée avant d'y installer Duvallier... Heureusement Clinton permit le retour d'Aristide.
Ce qui montre la toute puissance des states.
Je te souhaite également une belle année, pleine de santé et de réalisations de tes projets artistiques ou autres.
A tout bientôt Amigo !