vendredi 6 août 2010

Traits pour traits







à Anna, ma fille.


Ils avaient bercé ta prime enfance
cloués au murs comme une chouette
à la porte de l'inspiration
chouettes !
dans leurs cadres rococos qu'il fabriquait lui-même
signe de sa survivance
par-delà le temps et les générations gourmandes
qui se rongent les phalanges telles des enterrées vivantes
et ne songent plus
ne rêvent plus
n'existent plus
sinon dans l'illusoire d'un miroir des fatuités instantanées.
Ils représentaient la terre d'où l'on t'a tirée
sans besoin du moindre forceps
à l'indienne
lorsque ta mère te pris sous les aisselles
entre ses cuisses
et que le miracle éternel de la vie qu'on prolonge par une autre
prit en ce jour l'orthographe de ton prénom palindrome.
Ils la représentent toujours !
Ils se sont accrochés à d'autres murs
ils s'accrocheront à d'autres encore
durant des éternités que l'on ignore
peut-être à Paris, peut-être à Saumur
mieux que le vin vieillit la peinture !
Sans doute te sont-ils si communs que presque insignifiants ?
Ils font partie du décor, dit-on...
et dans ton adolescence aux doutes lénifiants
ils sont suspendus au lèvres de mes dictons
de ma façon d'en parler
de t'en parler
de parler de lui
de toi
de moi
de ce qui nous relie
des fils invisibles de la génétique
des filles dont la naissance est le point culminant d'un parcours un peu compliqué
de son talent et du tien avec mes phrases en trait d'union
de ce qui se cache derrière le soleil embrasant de vos êtres
bulle brûlante où rares sont à pouvoir se poser
et plus encore à se reposer...

J'ai aimé ton arrière-grand-père avec fascination
Amon-Râ, Hélios, Hypérion
dans des odeurs de térébenthine
que j'ai du garder pour te servir de tétine...
Ma sœur est devenue ta marraine
traits pour traits
passion pour passion
au gré des modes de l'art pictural
de vos atavismes
du mélange des couleurs et de la sûreté du geste
d'une expression qui me domine
et pour laquelle la plume ou le clavier ne sont que de bien piètres béquilles
signes d'un handicap
dont je témoigne en claudiquant du pointillisme de mes touches déteintes
héritage d'un Cap
d'un bout du monde où tu aimes à te retrouver
où l'on passe de la quiétude d'une rivière et de son pré
à l'océan croqueur de dunes
puis aux galets des trépassés
posés en tant d'infinies lunes.
Ma Fille
Tu es l'incarnation – et ce terme n'est pas vain – du Finistère
qui te porta en son sein :
il t'a légué son côté farouche
opaque à qui cherche à te comprendre
et derrière ton rideau de bruine
quels sont les contours chaotiques qui te dessinent.
Et c'est aussi pour cela que tu dessines
pour suggérer
langage des signes
hiéroglyphes
depuis l'aube de l'humanité on s'est tracé partout !
Cavernes, pierres, argiles, supports de Satan !
Puis vinrent toiles et papiers...
Toiles où l'on se noie
papiers où l'on n'a pas pied
chaque esquisse aura dit de toi
un petit bout de ton entier.

Ils sont toujours là
les tableaux de ton arrière-grand-père
un jour tu les auras
lorsque sera finie ma propre guerre.
Lorsque je vois l'ancienne photo de Tahiti
1916
je m'interroge : « t'a-t-il dit
qu'on se ressemble traits pour traits ? »
que mon bonheur est une vague
balayant comme un tsunami
les bas-fonds que parfois l'on drague
à la recherche d'un ami
à la recherche de ton art
et de ta compréhension
et de ton mode d'expression
et de ta beauté si bizarre
que nul n'oubliera, ma chérie
la perfection de tes ascèses
la ligne de tes traits magiques
leur beauté quasi-pathétique
mon espoir en Toi, maïeutique
et mon amour hémorragique.

6 commentaires:

Anonyme a dit…

Beau et émouvant Michel…

Alix t'embrasse fort

Michel P a dit…

ton com' me fait trop plaisir ! :-D

Morgan a dit…

Ton poème pèse sacrément lourd en amour. C'est superbe.

Michel P a dit…

Aimer, c'est une bonne raison d'écrire amigo ! ;-)

Anonyme a dit…
Ce commentaire a été supprimé par un administrateur du blog.
Michel P a dit…

Pour les curieux, le com' supprimé ci-dessus n'est qu'un essai en mode "Anomyme" de ma part... :)