mercredi 26 mars 2014

Ce qu'on dit au poète à propos des muses

Melody by Serge Gainsbourg on Grooveshark





I


Je suis bohémien mal armé,
dont la triste vieillesse m'use.
Lui, de noirs desseins animés,
fait de Blanche-neige une muse,
et moi son double désaimé
qui, de Marseille à Cassis, Suze
aura trop souvent consommé,
Descartes dont tare, oh ! l'excuse...

Or, la belle image estimée,
le brûlant visage au teint druze,
sont en maintes fois exprimés
par des mots dénués de ruse,
cillant d'océans en Crimée,
de Marmara – marins d'Ormuz !
– l'humeur est là d'où le crime est,
et d'ombre aux cieux reste la Muse...


II

Certains fumaient le narguilé,
d'autres chassaient leurs vieux dragons,
des monstres de la langue il est
un dentier comme un vieux lagon :
des trous dont on se nargue île et
des dents cassées façon tessons,
des volcans tout alanguis, laids,
de ne s'être tus qu'à tes sons.

Car, Muse, on sait que ta sirène
alarme aux yeux des romantiques,
autant l'Amour que Désir, Haine,
et tous ces sentiments qu'en tics,
ils s'approprient puis ils parrainent ;
et nous gardons l'arôme antique
de Pythie Pythagoricienne
où germent nos champs sémantiques.


III

Elle est dans un espace courbe
où son illusion rectiligne
afflue comme un sang de la bourbe
et comme un sens hors de la ligne,
comme des points qu'on voulut fourbes
mais dont la droiture est insigne,
et dont les traces dans la tourbe
ont canardé ses pas de cygne.

Ses mèches folles envahissent,
telles des jungles annamites,
l'espace que mes yeux trahissent,
où courte-paille et dynamite
offrent des chants que les maïs
peuplent de mines, d'organites,
les prisons qui me divertissent
avec leur saveur d’amanite.


IV

La Silver Cloud est dans le Nil,
et le fantôme d'Asmahan
– dont le chien n'avait nul chenil –
voyage au gré de son courant
– qu'en rien le charme n'annihile –
d’Égypte jusqu'en Ispahan,
sur un tapis fait de vinyle,
tapis de chant, tapis volant.

Et toi, ma Muse anthropophage,
aspirant le sang qui la navre,
tu prends part à mon beau naufrage
en repaissant de son cadavre ;
toute plante émerge des cages
où l'on sema leur pauvre havre,
et ta beauté si peu sauvage
que seul un poète la brave.




à propos d'Asmahan

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