mercredi 17 février 2010

La prêche à la ligne

J'ai laissé fuir de mon crayon
une cohorte de démons
et de fils d'ange
et de fils de putes
une horde sauvage dont j'essaie de rattraper l'écheveau
de repriser la blague à tabac
– la bonne blague ! –
et la bague au doigt
– la bonne blague ! –
dont l'absence encor parfois me démange
me soulage
comme une tâche bleu roi d'encre écolière
et collier au cou
pendu par les coups
du score : 1-0, 1-1, 1-2, et cætera...
Et tandis que Paris matche à perte
pour des jambes d'allumettes suédoises
ou des joueurs d'échecs
des joueurs de fous
je reçois des échos de galaxies inconstantes
qui oscillent entre la lumière et la nuit
qui clignent de l'œil d'Abel
d'un trait d'arbalète
d'un trait de Rimmel
d'un trait de caractère
– Arial Killer ! –
d'un lait qui n'allaite
que la bouche des goûts
nous entêtant d'un ennui
où s'aggrave l'ardoise
des synthèses qu'on s'tente...

Qu'importe que prêche à la ligne
fut labeur de missel
ou la peur de Michel
ou l'atteinte maligne
des vers solitaires
et d'univers solidaires
qu'importe après tout ?
C'est histoire de cuisines
à couteaux tirés
et de recettes à l'anis
de fusils à aiguiser l'afin
et le pourquoi, porc cuît, comment.
Les lettres sont de petits vermicelles dans le potage de l'existence
on les range sur le bord de l'assiette
on les range et les dérange
et on ne prend pas le bouillon !
Le regard du père est sévère
le regard de la mère excédé
les lettres-vermicelles scellent un message subliminal
qu'ils liront une fois décédés...
Et les enfants devenus grands continuent de chercher la lettre qui manque dans l'potage !
Ils vident parfois leur cartouche bleu-roi dedans
pour imiter l'Viandox
ils vident leur cartouche comme avec un fusil à aiguiser l'enfin
et des voies aussi chevrotantes que celle de Monsieur Seguin
et des loups donnés pour se violer la face
– comme petits à la sieste –
dont on abuse à l'intox'
ils vident d'un trop plein de surface
l'étendue des plages numérotées par leur mémoire d'enfants.
Il en reste des champignons
des « je t'aime »
des prés et des tout-près
des grandes mains serrant des petites
des amanites tue-mouche
des chevaliers bagués
des engueulades
des Opinels aux grands numéros qui les font tous petits
des écorces d'arbre qui font des bateaux
des rosés sur les joues oubliées des champs de notre premier age
des mousserons comme des tâches de rousseur dans la rosée d'un matin
des champignons qui poussent si vite, si vite
entre les pluies et les soleils
et le premier poisson
et la première truite
que l'on leva en un beau jour
et nos beautés jamais détruites
qui sont dans la prêche à la ligne.

2 commentaires:

Anonyme a dit…

A la prêche à la ligne, on entend mots car nul mots ne saurait égaler une telle passion pour ces derniers que le premier verre de vin ou la dernière gnôle...

Le bagnard.

Morgan a dit…

Un prêche en haute mer, en réalité !
et surtout un chalut
tissé serré
de l'être
débordant de souvenirs.