mardi 20 juillet 2010

Interlude






La voix de la raison,
C'est bien la voie des cons !
La voix du cœur,
La voie des chieurs !
Seule compte pour moi,
L'irrésistible voie
Bordée de ballasts,
comme des salves
de bordels slaves,
de « lost but not the last »,
de pas perdus
pourtant pas perdus du tout !
de papers dus
alors que l'on s'en fout,
symboles de notre irréductible indépendance
– la richesse du pauvre –
tant que le beau est mien,
suivant la trace de la vouivre,
et de ses caténaires
l'électrochoc et l'impédance
l'horizon quaternaire
des dimensions nouvelles
d'un Edgar Allan Poe !

L'écriture est constituée des mêmes éléments que les infrastructures ferroviaires :
d'abord la ligne.
La ligne
imperturbable
gravée dans la chair de la terre
avec la parallèle des deux pointes écartées d'une plume
laissant couler l'encre d'un poulpe qui s'enfuit
l'ocre de toute fuite
parce que partir c'est fuir
parce que vivre c'est fuir
parce qu'écrire c'est fuir
parce que rimbalder c'est s'enfuir en courant
parce que tomber amoureuse, amoureux
c'est ne jamais boucher son trou
c'est ne jamais cautériser
ne pas poser de cathéter
sur les maux ni les caténaires !
C'est laisser s'en aller
les spectres de nos ombres
au Léthé sans retour
au sein duquel on sombre
pour rejaillir ailé
dans les volutes d'un vautour.

Ensuite un chemin de traverses
des clous
des bouts de bois
et nos mains que transpercent
chaque vibration
chaque rebond
chaque jointure qui craque
chaque rail que l'été dilate
suspendus que nous sommes au temps qui s'écoule
comme un nœud
ferroviaire
et qui nous asphyxie
mais nous retiens
dans la suite à donner
et le but à atteindre.

Enfin, il y a les stations
lorsque l'on trébuche
et que d'un trait bouches
baisers
ostentations
s'offrent aux adieux dessinés par les regards désespérés des lecteurs de romans de gare
ou de guerre lasse
ceux-là mêmes s'imaginant un sens à leur vie
dirigée par le chef de la-dite gare
où les ombres des amours virtuelles se prélassent...
truuuuuuuuuuut !
truuuuuuuuuuut !
Personne n'a plus les manettes !
C'est à couper le sifflet.
Des yeux pleurent
des oignons, des peluches
les peaux desquament
et la vie change avec les kilomètres qui éloignent
avec les kilogrammes
avec les années de l'existence que le chemin de fer tatoue
avec les poèmes et les calligrammes
et le fil incarné de tant d'angoisses passagères.

Mais voyager le long des voies ferrées
comme un mousquetaire au service de la reine Micheline,
emprunter les rames d'un ferry pestiféré
et les rimes des veines de notre adrénaline,
conduit à la question subsidiaire :
si demain m'est aujourd'hui
que reste-t-il d'hier ?
Nous sommes les écorchés éconduits
de locomotives sans pilotes,
d'un leitmotiv où polyglottes
épuisent leurs salives
sur des solives
et des lambourdes
de bourdes
formant le plancher des vaches regardant passer les trains.
Des populations de veaux échappent à cet entrain.
Seuls
quelques irrépressibles compulsifs
veulent
se prouver que l'illusion du mouvement perpétuel
échappe aux lois de la thermodynamique
que l'équilibre instable est ostensible
que les lois et les genres
et que les lois du genre
sont des concepts poussifs
au regard des cordes sensibles
à l'aune des cliquetis
de la dactylographie
des jointures quasi-articulaires
de tout squelette ferroviaire.

Chaque roman s'écrit à la pointe d'un aiguillage
chaque récit se fonde dans un moule
et son métal rugit porté à blanc par tous les mucilages
et par la bave aux lèvres d'enragés tamouls.
Nos laids syndromes en deviennent excellents
et quelques cynodromes pour un mal de chien
rameutent les parias dont on sait le talent
au gré de quelque aria pour un « coteaux de Gien »...
Et puisqu'ils ne se vident que si l'on s'en sert,
puisqu'ils ne regroupent que des pouilleux fumeux,
ils sont ainsi raisins de nos colères
les wagons déprimés du train de nos matins brumeux.
Pour un nouveau départ
une nouvelle gare
un interlude
interlope
entre la naissance et la mort
entre le pain, les jeux, le couteau et la fourchette
entre les vacuités du quotidien
entre les espoirs et les désespoirs
avec pour seuls moteurs
un sentiment de bête humaine
un horizon à disperser
deux traits posés à même l'échine du globe orbiculaire
– afin de ne jamais quitter le champ de nos partitions –
et la peur du vide qu'une obsession nous pousse à combler.

1 commentaire:

Morgan a dit…

Que m'est salubre le vent de tes mots !