Mieux vaut être parfaitement imparfait qu'imparfaitement parfait
lundi 9 avril 2018
Vladivostok Station (Republication d'un texte de 2009)
Je viens vous lire
l'impénitente gare en station ouvrière,
des souvenirs hagards qui n'ont que fer d'hier,
chemins de cire,
des mots vidés, cédés à tant de passions rances,
qui n'ont de procédés qu'invectives qu'on lance...
Le train est entré en gare, sans voix, la dernière,
on embarque, et je jette un piano à la mer...
Il est fini le temps des rimes et des vers,
mes mots voyageront vers d'autres univers.
C'est joli !
Je jouerai plus à la dînette,
c'est promis !
N'est-ce que pour les autres fêtes...
Et maudit,
je retourne à la tempête,
je retourne mes chaussettes,
j'ai leur boule et mes boulettes
qui me font tourner la tête,
c'est fini !
ça ressemble à la retraite
de Russie,
la Bérézina s'entête,
elle aussi,
à couler froide et seulette,
Cybérie...
Certaines phrases sont des caveaux pour nos âmes,
des caniveaux où coulent des rancoeurs débiles,
où s'accumulent les divorces et les drames,
rangés dans le sarcophage de Tchernobyl.
Ne compare-t-on pas et la plume, et l'épée ?
N'en saigné-je pas pour les deux d'un même fil ?
Dans un train Pullman, Lili Brik est arrivée...
Et d'autres chemins où les traverses défilent...
Ses yeux n'ont pas vertiginosité de jade,
Mais ses cheveux me font une écharpe à mon cou.
Et notre éloignement, et notre désirade,
Hurle comme les trains qui roulent vers Bakou.
Vladivostok Station.
Où les brides de main n'ont que verge pour frein.
Où toutes les petites Jehanne s'oublient,
où leurs langues avides n'ont que mal pour faim,
n'enseigné-je pas quelque intime biologie ?
Vladivostok Station.
Où résonnent ces cris dont on sait le refrain.
Où s'emballent souvent les chevaux du désir,
pour cent bals, quelque rouble, art factotum aux fins
de trouver les moyens de s'offrir du plaisir...
Si les ports sont des villes de ponts, aux deux mers,
se raccordent les corps qu'on fantasme à l'envi,
si saint Jean, bon apôtre, a la tête à l'envers,
que donc penser alors de l'état de son vit ?
La douceur océane est entrée par mes pores,
et sa langue diaphane a tourné pour sept fois,
dans ma bouche embaumée par l'odeur de son corps,
les mots en beaux mets qu'elle dévore en moi.
« Je te veux, je te tiens, te possède, t'engloutis..
Fais un voeu ! Sois chrétien ! Pour qu'on cède, mens aussi ! »
Les retenues et les barrages du fleuve Amour,
sont contenus
tout contre nus,
compte tenu de nos grands âges, jusqu'à ce jour...
Or, dans un rêve à la Bilal,
les femmes pièges se referment,
comme un flacon de penthotal
dont on a vu venir le terme.
Vladivostok en italique,
et ses Rome de vérités,
Cédant ensemble à la panique
Du fruit maudit d'Eve hérité.
Des Vatican un peu perdus
au delà des déserts gobés
par le grand train qu'on a tenu
sur les rails de Karymskoïe.
Sur les rails blancs de nos mariages,
où messe dite à reculons,
ressemble plus à un voyage
qu'aux défilés de ces wagons...
Alors sans cesse, Vladivostok et sa station,
où tous se pressent, un coeur en stock, en gestation,
marque la fin de nos errances et de nos raids
transcybériens, où l'on avance en corde raide.
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