vendredi 22 janvier 2016

Débauche d'ébauches




I

Paris
Paris mon amante oubliée
dont les trottoirs suent de gène une révolution manquée :
la mienne au long de ta périphérie
de tes deux seins
de tes deux saintes :
Geneviève à gauche et ton sacré cœur à droite
inversion
interversion latine en mon quartier d’étudiant
anteversion des hanches au saxophone
Bird’s land et son entrée à l’hygiaphone
whisky, slalom, descente
l’Absinthe, l’absente
et l’ombre de celle que je n’ai jamais rencontrée
Toi
tandis que la Seine comme une cravate de notaire
s’épanche en nous faisant nous taire
et que les fenêtres sur cours
s’ouvrent à l’ombre chinoise de tes courbes
qu’une vague chemise absorbe comme une onde
au reflet gris des murs calcaires des immeubles
et celui brut du zinc des toits sur Toi
de mon écriture à l’encre de tes doigts.
Tes hanches pour un sexe aphone
les boucles de tes mèches blondes
ta main déposée sur le meuble
est comme une sculpture
en quête de rupture
l’interrupteur
corrupteur
et la Fée des faubourgs de la Cité
s’en vient déposer sa couronne de ronce étoilée
sur la chevelure de la ville où ton image s’insinue
au goutte-à-goutte d’or ;
est-ce ainsi nue
qu’à son flanc tu t’endors ?


II

On le sait pourtant que de part et d’autres
- enfermés dans l’oubli du fleuve d’Apollinaire en cette ville de ponts -
des corps cèdent aux corsets de leurs fébriles colonnes
aux décors de départ et non sur leur points de détail à la ligne
aux baisers langoureux du gel et de ses lèvres malignes
à sa blessure en gerçure félonne
où l’araignée de l’écriture ampoulée pond
les larves des rêves qui sont nôtres
et que sur les trottoirs en dévers
où claquent les boules de cristal
celui qui rend but tôt
celui qui tombe à la rue bouffe tard
celui qui se voudrait crapaud n’est que têtard
celui qui voudrait table n’aura que tréteaux
dont cloquent les fesses qui s’installent
à même tous ces tessons de verre
bouteille
à la couleur de mon regard désabusé sur le Monde
et sur la pauvreté
le misérabilisme
l’hypocrisie de l’immobilisme des orteils
dans sa lente marche immonde
et sur la pauvreté
le misérabilisme
extrayant la pulpe de ta beauté
comme un nectar épuisé de leurs nombrilismes
à la presse expresse imprimée par mes vers
dans la paume de l’Amen où survécut Prévert
dans la douceur de ton sourire aux glaciations d’hiver
et dans le cirque abstrus de ton regard bleu-vert...
S’il m’est donné le don
de cueillir couleurs et parfums
d’arpenter le bitume à la recherche du mot FIN
si je suis l’abandon
le parapet des quais
le faiseur par hoquets
des couleurs de la Ville
oublie l’instant de notre incontournable entrevue
qui sera forcément la plus terrible bévue
de nos vies déjà viles.


III

Le miroir de ma Seine m’assène ma scène incontournable
oubliant ses méandres pourtant
et les détours importants
qui m’ont mis si minable
à moitié connu
à moitié de circonstance
à moi Thiais, Vitry, Charenton jusqu’à Paname
à moiteurs égalées rien ne vaut le couloir du souvenir de ton corps
et les heures déversant du fleuve incontinent l’inconstance
en torrents d’encre qu’éternuent
mes spasmes hérités de l’Indochine ou du Viet-Nam
dans ce treizième - oh mon décors ! -
Glacière
glace hier
miroir des patins inoubliables
des amourettes suédoises
équatoriennes
et des passions sublimes mais friables
édictées au tempo des premières prosodies grivoises
afin que tu sois mienne
et des absurdités de la jeunesse triomphante
abattant la mesure
prise en courant
après les métros gnomes
enfoncés comme une aiguille dans les artères en céramique de la capitale
penthotal
polynômes
équations délirantes sur la poursuite de ces objets récurrents
dont on ne perçoit que tardivement la démesure
et la nécessité existentielle
objets de splendeurs peinant à l’essentiel
à savoir trouver dans l’inquiétude de la débâcle dont nous sommes les glaçons
l’âme-sœur, la fille ou le garçon,
cet iceberg isolé sur la Seine
dont on ne voit que la “partie émergée”
la partie forcément saine
l’aparté qu’on ne fait qu’émarger
en se limitant à signer des prospectus administratifs
dans nos décisions prises d’un pas toujours trop hâtif
à lier nos existences
ainsi qu’un boulet d’entrave à nos chevilles
et dont la grande instance
inspire un verdict à ces filles.
Mais les peines d’amour et de prison
sont rarement définitives
qu’on s’aime à tort ou à raison
c’est de façons impératives
et chaque jour, chaque saison
succède à l’autre itérative
en imprimant sur le pavé de la Ville Lumière
le reflet qui s’humecte de nos larmes
et fait briller le bel acier de l’arme
en cette vérité première.

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