mardi 9 juin 2020

Xylème



J'irai larguer les amarres des astres auxquels je me suis entravé
privé de voyages
encalminé
dans des havres de guerre
aux veilleurs marmoréens
qui font payer du passé le passage
et de l'avenir l'agrément
pour nos entrefilets et nos trop vieux gréements.
J'irai chercher l'éclatement
des bois les plus rares
et des automnes chatoyants
dans des regards brûlants
et des sèves de curare
issues des buissons d'euphorbe sauvage
ou des reliquats de sève aux essences enivrantes.
Et grisé par la mine au crayon du destin
je glisserai sur l'onde et ses interférences
écoutant les vibrations végétales
écoutant bruisser les feuillages
et grincer les tissus en croissance
écartelant les parois des alvéoles
et les fibres élastiques et turgescentes
élargissant les troncs puissants des grands ancêtres
Encore éminemment présents dans la coque
et dans l'âme inhérente au bâtiment.
Concentriques à la façon des ronds dans l'eau
le xylème a fait ses cernes
aux yeux des matelots
qu'il protège
une longue et détendue bouée
que l'on lit dans le fil du bois
comme une partition saisonnière
aux notes accrochées comme des tons de couleurs à la lignine
aux ligneurs et leurs thons pendus sous les gaules
à la ligne où le point s'est tendu pour laisser couler l'écriture
où l'encre et l'ancre ont pris la même ampleur
et la même profondeur.
Un élan vital emplit l'ensemble
un vent gonfle aussi les voiles
un sentiment d'inéluctable envie met ce corps en mouvement
je me sens repousser mes limites
on se sent repousser passée la taille
et forcir en largeur
en épaisseur
en consistance
en maturité
je ressens l'allégresse assagie de la sérénité rendue
mon vaisseau retrouvé conduit ma sève à l'état brut
élaborant des plans d'odyssées tardives essentielles
Ulysse irlandais qu'alimente un nouveau Xylème
écrivain breton sans papiers mais que l'exil aime.

2 commentaires:

Ove Madn a dit…

C’est beau.

Je n’ai pas compris ton commentaire à la chanson berbère.

Michel P a dit…

Juste parce que la musique allait bien à ton texte