vendredi 16 août 2019

Au square Tino Rossi



Un soir en septembre
il y a quelques années déjà
repassant les plis de mes chemins d'adulescence
avec un pote
on est redescendu de Montparnasse
en passant par Saint-Germain-des-prés
puis par le Quartier Latin
(Quoi de plus commun?)
mais pour attraper le train de la Gare de Lyon
le RER 
(à l'ère où erre heure, horreur !)
en longeant les quais que je connaissais
mais qui m'avaient méconnu.
la Foule était là qui s'agitait sous les flons-flons
d'un rendez-vous qui devint régulier.
Bien avant que ce bout de Paris ne s'agite
Il y avait des statues contemporaines
apparues comme des OVNI
dans cet espace improbable alors créé...

Je bouffais ma baguette au square Tino Rossi
— du Monde Arabe un Institut venait de naître —
ou ma demie baguette en fonction des soucis
financiers d'étudiant, le cœur à la fenêtre.

On se moquait de l'œuvre atterrie sur la place,
et le désert commun propre à la création,
laissait à la sculpture en marbre de la glace,
et le feu rouge aux joues de nos récréations.

Car le Quai Saint-Bernard avait de ton regard,
un éclat de bois brut et de première instance,
où je perdais ma ligne au métro de la gare,
où les voies d'Austerlitz hurlaient leur insistance.

En attendant, le sandwich au pain sec en bouche,
on se pensait dans les courbes des sculptures,
et de la pauvreté germait nos graines farouches
en plein fumier de cette sociale imposture.

Et des années plus tard
on y retrouvait la jeunesse Paris
dans son effervescence.

En laissant couler le sablier du retard
au gré d'Einstein et de Pascal et de son pari
je repris connaissance...

On était en février
je sortais du terrier du lapin
la Ville avait pris des atours estivants vêtue d'un manteau d'hiver
et las d'une longue errance
il me pris de repasser par le square Tino Rossi
là-même où j'avais vu la France
en mouvements divers
agiter les bras du sapin
perdu dans les genévriers.

Dans ma vareuse et mon rayé
— marin d'escarmouche —
une jolie fille au crâne à moitié ras
me gratifie d'un sourire improbable.
Elle a percé mon armure en fer inoxydable.
Il faisait chaud pour la saison.
Je n'oublierai jamais cette croisette enrayée.
Lorsque l'on aime à déraison
c'est que l'on veut du bouche-à-bouche.

En repassant mon col au square Tino Rossi,
mon col bleu-bite au vert en pleine canicule,
avec des mecs armés comme des mafiosi,
dans mon Paris festif on était ridicule.

On était provincial, on était décalé ;
la jeunesse autochtone était pétrie de rythmes,
et dans la viande en bleu qui m'était déballée,
rien ne me distinguait des hideux algorithmes.

En sortant sur le pont, du côté d'Austerlitz,
il m'a semblé sortir aussi d'un rêve étrange :
on rêve de Paris comme on rêve d'Auschwitz,
on y côtoie nos morts et ce qui nous arrange.

https://soundcloud.com/annaondu/au-square-tino-rossi

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