lundi 2 mars 2015

La déballade des pendus

African Reggae by Nina Hagen on Grooveshark



Des innocents sont cravatés
pour plaire au mieux à leurs bourreaux,
et de ces heures graves hâtées
je tiens le crin qu'on débourre haut.

J'étreins l'écrin de la Justice
et le fermoir des guillotines
qui, posé tel un frontispice,
coupe la chique aux billots dignes.

J'éteins le son des coupe-gorges
et des oiseaux rougis du sang,
que par ailleurs haine rengorge
enivrée de senteurs d'encens.

J'étends sous les saveurs du suaire,
un peu de vies à kidnapper
et d'eaux de vie dans un ossuaire
d'où coule un ruisseau vite happé.

J'entends les plaintes des parquets
grincer dans les cordes coulantes,
et le cou lent ainsi marqué,
j'arpente les fourches croulantes.

J'attends le jugement du Juge
à propos d'un beau meurtrier,
et sa belle robe ignifuge,
flambant tant que la braise y est.

J'attends la chute du verdict
et la trappe de l'échafaud,
cette rupture que l'on dicte
à ces vertèbres sous la faux.

Combien de génies expiatoires,
le long des routes de l'Irak,
auront marqué l'anti-victoire
des pendus en leur cataracte.

2 commentaires:

marie-cécile a dit…

Curieusement, j'ai un drôle de rapport avec celui-là. J'adore certains passages, lorsque les mouvements, les bruits disent un universel. Je suis moins à l'aise avec les attachements au présent qui éloignent l'esprit des processus si archétypaux de la pendaison. Quoique, c'est peut-être pas mal, en fait.
Le thème m'est cher, aussi, j'avais celui-là : Ballade dépendue.

Perchée, sur talons compensés
Pont des arts, je vaquais
Ses mains sur mon ciré

Perchée, il fallait compenser
Ces quelques centimètres
Qui m’ont toujours manquée.

Perchée, j’entends ce con penser
De moi, il se croit maître
Je n’vais pas le manquer.

Perchée, je sais ce qu’on pensait
« Je voudrais bien la mettre »
Je n’ai jamais manqué.

Perchée. Tous à mon con pensaient
Allez tous vous faire mettre
Vous m’avez tous manquée.

Perchée. Savaient-ils qu’on pensait ?
Et que, sans dieux ni maîtres
Il me fallait m’enqué-

Rire de ce qu’on pend. C’est
Un effort de l’omettre
Il m’a bien trop manquée.

Perchée pour décrocher
Du lustre un suicidé.
Lui, ne s’est pas manqué.


Michel P a dit…

Déballer les pendus.
(j'avais rogné une aile à mon titre...)
Attachements du présents ? Alors, ligatures invasives peut-être... Ou alors l'Irak, et l'ami archéologue-tripatouilleur de mon père me racontant enfant, la route de Bagdad à la frontière perse, fleurie de cadavres suspendus tous les 10m ? Mais c'est déjà tellement du passé.
Comme la musique de Nina dans laquelle je m'immerge totalement pour écrire et dont j'essaie de transpirer par la plume du bout de mes doigts sur le clavier.
Très beau ton texte, Marie-Cécile !
Tu me rappelles une autre Cécile, la seule poétesse à m'avoir aimé, qui était belle comme Juliette Binoche en plus, et de laquelle je me suis défié.
Oui, il m'arrive d'être un peu bizarre, même pour moi-même.