mardi 21 janvier 2025

Raz-de-marée



Je fus le citadin de villes englouties

marchant le long des rues sans dégoût marchand d'armes

égoutier des chats de gouttière abrutis


J’errais donc menotté sous le joug des gendarmes

Ys et sa cécité sous les flots emboutie

par un beau tsunami dans un odieux vacarme


Accoudé sur les rebords et sur les balustres

effondrés sous mes bras des balcons de papier

sombrant au plus profond de ces cités lacustres

il me fallait la nage où je n’avais pas pied


Je me noyais dès lors à ce flot clapotant

de plastique ordurier — l’art ineffable ment —

de l’argent ne restait l’illusion que le temps

raz-de-marée recouvre inexorablement

samedi 18 janvier 2025

Baîllonnés



L'obscurité s'étend comme une tâche d'encre

un amour est ancré tout entier dans tes yeux

ce fond d’écran me dévore un peu comme un chancre


En constatant le bond fait à titre gracieux

je ne suis plus pour toi qu’un indicible cancre

auquel on a donné des billets fallacieux


L'espoir est cantonné dans un regard à fables

aimer sans vanité c'est s'offrir au billot

c’est ce qu’il se produit lorsque l’on passe à table

et qu’on s’avoue morue de l’autre en cabillaud


Retrouvons-nous dans les rêves de la nuit

quand tous les deux restons insoumis par les forts

aspirons de baisers le poison qui nous nuit

nous sommes des enfants bâillonnés par l'effort

jeudi 16 janvier 2025

Tunnels



Les constructions de nos présents

sont les ruines que regardent déjà

nos enfants enveloppés de mensonges

et l’ange exterminateur

expiant mes songes

a la tâche ardue

dont l’auréole est maculée

d’arc-en-ciel

où le soleil est diffus

le propos confus

la parole essentielle

où le pouvoir d’achat

se matérialise en mots malaisants

de ce qui reste un dû

d’un verbe indûment reculé.

Les êtres se bercent dans l'illusion d'être

alors qu'il faudrait pour ça

dépasser les illusions du paraître

et du vouloir exister

sans rien bouger autour.

Il faut entrer dans la bouche ouverte

où le monde avale

ingère

à moindres pertes

un morceau du genre humain

« Le dormeur du val »

un peu de chair

et de vieux parchemins.

Ce que j'aime dans la notion de « Voyage

au bout de la nuit »

c'est qu'elle n'a pas de rationalité délibérée

qu'on peut lui chercher un sens trivial

— elle lui échappe perpétuellement —

parce qu'elle n'est pas le produit d'une pensée philosophique

elle est l'expression spontanée

d'une vision poétique

inouïe

même inespérée

juste incoercible

innée

conviviale.

Au fond des égouts de Paris

depuis le camp de Mauthausen

pour une grande évasion

beaucoup les ont pris pour cibles

enfonçant dedans

la pelle à l’appel

en fonçant dedans

rats de laboratoire

en fronçant les sourcils

en forçant le respect

souterrain oratoire

où l’on prie le Dieu du justice

agneaux consentants

d’un sacrifice.

On se débat dans les idées

tel un Homme à la mer

on les saisit

comme autant de bouées de secours

et dans les trous

tel un Homme à la terre

on figure à la proue

d’une franche hérésie

sévère et sans recours

aux abris anti-aériens.

La perspective de rien

c'est déjà des brins de bonheur

et tout ce que l’on doit

dont l’on mérite aussi l’honneur

aux ténébreuses fantaisies

tout effleurées du doigt.

Depuis des années

je visite des tunnels

à la recherche d'une issue

vers je ne sais quelle existence

alors que chercher suffit à exister.

dimanche 12 janvier 2025

Littérature



Il faut inventer l'improbable

afin de créer du bonheur

et considérer ses semblables

avec infiniment d’honneurs


Rêver est opportunité

d’écrire un vers en chevrotant

l'amour est d'une éternité

qui ne dure qu'un certain temps


Je faisais pitance à mon fils

aimer c'est donner à manger

sans l'idée d'un bénéfice

aimer c'est être boulanger


Parfois rouler dans la farine

en découvrant par un seul bras

sa couverture ultramarine

et j'en retire à moi les draps


Jamais Beauté n'égalera

l'idée que l'on veut bien s'en faire

ou le fantôme d’une aura

jugée par un seul bras de fer


Ainsi vont les pressentiments

dans ce monde où plus rien ne dure

immensément les sentiments

constituent la Littérature

vendredi 10 janvier 2025

L'écran



La nuit n'est qu'un espace interstitiel aux jours

aux exploits quotidiens dont on s’est anobli

d’un bon geste en douce et des sentiments qu’on choure


En tout récit d'amour est un récit d'oubli

dans ces bas-fonds je me sentais seul de séjour

et pourtant tout résiste incommode et tout plie


L'avenir est une question de point de vue

qui dépend du passé que l'on n'a pas vécu

qui ne tient jamais compte en fait de l’imprévu

l’histoire au bout du bout s’écrit sur papier-cul


Le drap de mon écran pose au spectateur

un voile infiniment délicat sur les yeux

le temps d'aimer revoir un film et ses acteurs

afin de les juger d’un papier sentencieux

jeudi 9 janvier 2025

Paris



Mon récit s’écartèle entre

un lointain Pont-Croix

la rue qu’on traverse à Paris

— j’en suis né à cinq odieux mètres —

une mère arrivée du bout du monde occidental

et qui m'a collé

le prénom d'un roman sibérien.

Nous enfantons des monstres

à chaque fois que nous cherchons

à penser pour les autres.

Avant de chercher l'autre

on devrait se chercher soi !

Je suis un enfant du point zéro kilométrique

au pied de Notre-Dame.

On pourrait passer des mois planqué

si l'on n'est pas complice avec soi-même

on se trahit :

les idées se diluent dans les discours

ainsi qu’un rêve en la réalité.

Les rois sont arrivés le 6 janvier

— date de l'Épiphanie

de la naissance de Jeanne de France

enfumée dans Rouen

là vit ma fille issue de la même date

après Roubaix dont les pavés menant à Paris

l'ont donc aussi faite petite reine —

ils crèchent à présent dans la crèche.

Écrire au-delà de minuit

c'est masquer la plume

(on est toujours loin de tout

lorsqu'on n'est près de rien).

Paris ma ville mamillaire

a lâché ma main littéraire

un sourire accueilli sur un quai conquis

le Quai Conti

le pont des Arts

et ses lézards

et ses lézardes

en faisant le pan-désastre

à la recherche de moi-même

et de Peter Pan.

Le petit roman qu'on se bâtit

n'est qu'un trou

dans le le mur de l'Histoire

on fait beaucoup de bruit

sans bruit

quand on préfère aux slogans

la plume alerte.

Aimer

finalement

c'est le seul verbe à ne se conjuguer

qu'à deux personnes.

Elle était si jolie dans cet univers grouillant

qu'on dirait une perle

au milieu d'un bouse.

Et si la véritable envie

le désir accompli,

résidait simplement

dans nos proximités sensitives

et nos pensées partagées ?

Je savais qu'à Paris

j’allais écrire assez différemment

c'est l'éloignement de Paris

qui me rabat à l'alexandrin

comme au Spleen.

Écrire est aussi riche

en vrai

que composer

— nos partitions sont infinies.

Dès que je reviens dans ma ville-lumière

et son Quartier Latin

je change

un peu comme un Mr Hyde ébloui

dont le verbe ébahi

s'ouvre à toute opportunité.

Mon silence est l'écho du bruit que mes mots font

demain n’est qu’une hypothèse

hier un château de cartes abattu.

Je me souviens de Paris

de son Quartier Latin

de ce luxe ancien

qui miroitait de souvenirs

un peu comme une peau de serpent

qu'on finit par jeter

(nous bousculons nos nuages entassés

pour nous inventer du ciel bleu).

Paris me manquera

parce qu'elle a le visage alternatif

où mes grandes amours

— réelles ou rêvées —

se sont affirmées.

Chaque effondrement

pose une pierre à nos reconstructions.

Je retrouve en Paris,

l'infinité de tous les possibles

où ma jeunesse avait crû

les amours oubliées que ses pierres ont retenues

les opérations de survie patentées

tout résonne en moi

de manière irraisonnée.

Les pierres ont fossilisé ton âme

au coin de la rue de la Montagne

et de la rue Laplace

engourdissant pour une éternité nos étreintes

et nos baisers.

Ceux-ci fossilisés

gardent un goût de calcaire

et l’émotion

DLC dépassée

de Paris.

dimanche 5 janvier 2025

L'intègre attitude



J'attends la pluie pour me laver

de tant d'insolations de femmes

et quelques feux pour emblaver

l'improbable retour de flamme


Ou réagir un peu plutôt

j'ai dépensé bien des baisers

dans tant de loteries plus tôt

déjà débaisant des pensées


Des pendules et des horloges

un battement de cœur est mien

car en la cage où je le loge

il est celui d’un bohémien


D’un bateau ivre en cargaison

j’ai pris le pire et l’ai défait

le sexe est la conjugaison

d'impératifs à l'imparfait


Si le désir est taciturne

alors il faut s'en ennuyer

pétrir une passion nocturne

évidemment sans s'y noyer


Mais quoique en intègre attitude

on ferait dire autant de messes

aimer est une ingratitude

où l'on se paie de ses promesses

samedi 4 janvier 2025

Écoulements



Je luttais contre une attirance irréductible

il y avait ses seins son visage et sa peau

tout en elle était à mes sens irrésistible


Et de mes yeux posés je caressais son dos

le désir est une conquête imprédictible

aux sommets les plus hauts de notre libido


Je regarde le lac où la pluie dégouline

en janvier le temps n'est que son visage en pleurs

un beau miroir où se reflètent les collines

où s'épand la tristesse en sa plus froide ampleur


Or en belle amoureuse elle a parlé des gens

la nuit forme un delta dans notre écroulement

son doux fleuve est en crue la rivière est d’argent

nos liqueurs ont vécu de ces écoulements