samedi 30 septembre 2023

Miroir

 



Tout désir est un leurre et tout leurre un appât

je l’apprends si souvent que rien ne me remplace

en le sachant pourtant je le sais pas à pas


Chacun de mes alexandrins pense à ma place

où rien ne me retrouve avant chaque repas

le dessert est divin quand on voit dans la glace


Accroche au fil à linge un amour éperdu

son sourire anonyme est un enfant sauvage

il se sauve à la course en se croyant perdu

pourtant chaque abandon n’est jamais qu’un naufrage


Une nuit cannibale à nous deux bientôt s'ouvre

une bouche agrandie que le jour ignorait

qui nous avale — une pyramide du Louvre

à mon âme entrouverte — et toi que j’espérais

mardi 26 septembre 2023

Vieillir

 



L'âge en amour est difficile à convertir

on le dirait reflet d’impressions vaporeuses

un miroir est la porte ouverte aux désirs


Elle y plonge en se regardant double amoureuse

"on est bien tous les deux" lui répond son plaisir

on est bien seule aussi quand on est malheureuse


Être un peu fou j'assume autrement m’abaisser

sa bouche est comme un cœur rouge et chaud palpitant

j'ai gardé des années le goût de ses baisers

j’ai gardé ce signe indélébile éclatant


Je suis à toi je suis tatoué comme un vieux cuir

un vieux ballon déformé par les coups du sort

un vieux con maltraité je suis un dur à cuire

et vieillir est l'art de s’approcher de la mort

mardi 19 septembre 2023

Les routes de l'à soi

 



Je me mets à écrire ainsi qu'une machine

et dans la bakélite et dans ce cœur d’airain

je trouve un de ces chemins de la soie de la Chine


Il est sur la dune infinie courbe en tes reins

qui remonte étonnamment jusqu’à ton échine

et laisse ainsi trembler les gestes de ma main


L'AZERTY de mes doigts sur ton corps digital

est le double-poison d'une fleur à clochettes

on dirait l’abandon de coupe sagittale

où le dessin dans l’herbier par là se rachète


Un amour est en sorte un accident de vie

le désir est parfois bien trop envahissant

mais brusquement lorsque notre destin dévie

nous sommes sourds à tout et tout est dans le sang

samedi 16 septembre 2023

La mare au diable

 



Quand le soir à moi s'accapare il faut écrire

un rêve irréalisé n'est qu'un cauchemar

et sans bien le comprendre on ne peut que s’aigrir


Il faudrait surpleurer quand tant d’autres se marrent

il faut changer de régime afin de maigrir

et repeindre en bleu-nuit les reflets de l’ammare


Une femme amoureuse est un havre de vie

le fruit de nos pensées se courbe vers la terre

à chacun des instants notre ligne dévie

sans penser son appui nous sommes grabataires


On est un artefact à l'idée de l'union

la nuit n'est que ce drap qu'on tend sur la mémoire

et dans la mare au diable en plongeant son moignon

chacun voit son destin comme on ferme une armoire

vendredi 15 septembre 2023

Rubber

 



J'aimerais crever comme un pneu

sur la route du bonheur

et maquiller de bleu

ta paupière hallucinée

de rouge un peu ta bouche aux traits enlumineurs

un peu ton petit nez

tes tâches de rousseur

et tout ton charme apnée que je ne peux

désirer que de tout mon cœur

ouvert

à tes propositions

comme une aorte heurtée

clampée

dont les jets de sang

depuis trop longtemps

sont stoppés.

Tout ce que j'écris n'est qu'au fil de l'eau

le sombre reflet de notre noyade

et pourtant — Titanic à part —

on pourrait se rouler des pelles au fond du lac...

On dirait que tu es ma naïade

et moi ton monstre où les logs naissent

à coups de réseaux sociaux

de sites de rencontre absolument stériles

et de chemins qui ne se croisent jamais

sur ces routes où je m’use

où l’on me dégomme

où j’ai trop cherché mes muses.

Il me fallait néanmoins m’en trouver

la pauvreté s'habille aussi parfois de richesses intellectuelles

et de sentiments à fleur de peau

parfums de femme idéale

à présent ça sent le caoutchouc brûlé

la manif’ à dix balles

un abandon de son rêve initial

un air atrocement vicié

la pneumonie du baiser.

Les seuls gens dignes d'intérêt s'intéressent à vous

si vous vous intéressez à eux

mais le miroir est pauvre

en s’y cherchant si l’on trouve

un diable au garde-à-vous salue

d’un réflexe hitlérien.

J'aime les femmes qui n'ont pas d'avenir

elles ont le talent de chasser mon passé

sans projet tu n’es plus à punir

au présent plus simple à se conjuguer.

Les pneus se remplacent à chaque fois par paire

et je suis seul à rouler ma bosse

à moitié crevé

mais pour un échange

il faut trouver son semblable

et ce n’est pas gagné

c’est l’extension du domaine de la lutte

un capitalisme abstrus du sexe et de l’âme

œuvrant à la production de profils Internet

internés dans l’usine où rechapés

le rebus les menace

où dégonflés plus rien ne leur est plus net

ils sont pris dans la nasse

emportés dépréciés

les sentiments sont trop sérieux pour être laissés aux romanciers

mardi 12 septembre 2023

Paris sous la pluie

 



La grisaille à Paris s’est posée sur les toits

— le zinc a l'art abstrait des reflets amoureux —

s’est posée dans tes yeux je me souviens de toi


Le zinc et ses bistrots qui nous rendaient heureux

ces bistrots parisiens dont le charme au patois

parigaud résonnait des éclats vaporeux


De ton rire ébloui par le bris de mes verres

et de mes vers pilés par ta jolie beauté

de mon poème idiot quoi que je persévère

il me faudrait d’un saut rendre un sourire ôté


D’un saut de paragraphe et d’un enjambement

te parler de Paris sous la pluie dans le vent

provoquer tes frissons lorsque ta jambe ment

d’une nuit de désir et d’un soleil levant

samedi 9 septembre 2023

Chaos

 



Je suis le chevalier adoubé du Chaos

dont l’écriture infâme est l’objet du désordre

et plus loin j’écrirai plus j’irai au K-O


Je voudrais vous choquer désobéir aux ordres

heurter la Chine et l’Occident de Macao

jusqu’à Paris la poudre est bien sans en démordre


Amoureux sans issue j’ai cultivé le vide

en mon esprit floué les mots se précipitent

et se culbutant je les gère au CoViD

aggloméré sans cesse au sein d’un incipit


À l’anticorps abstrus qui l’a déterminé

il m’a fallu faucher chacun de tes sarcasmes

et de mes champs sémantiques déminés

J’ai gardé la violence un peu de ton orgasme

mercredi 6 septembre 2023

Coup de foudre





Quand une femme un homme ont envie de s'unir

il n'y a pas de force à pouvoir les contrer

la foudre s’abat sur deux arbres à punir


On pourrait s’étaler sur l’art à démontrer

mais rien n’est rationnel on ne peut prémunir

aucun d’entre nous jamais de se rencontrer


L'Amour est l'instant déchiré du Noir au Blanc

le moment fulgurant du passage improbable

où l'on vit sans gène où l'on ne fait plus semblant

le moment fugace où l'on trouve son semblable


Alors en fulgurés aux feuilles de fougères

aux figures de Lichtenberg ainsi tatouées

nous subsistons marqués par ce que l’on digère

un peu de sa décharge inouïe d’intensité

dimanche 3 septembre 2023

Sabre au clair

 





L'Amour au Mont-Saint-Michel un soir d'équinoxe

au moment du jusant lorsque la lune éclaire

une étendue d’eau mue de manière orthodoxe


On pourrait tout attendre et puis juste un éclair

un coup de foudre immense et menant à l’intox’

inonde infiniment nos esprits sabre au clair


Aimer c'est se projeter vers un avenir

et la brune aux yeux verts revient peupler mes rêves

on ne saura jamais ce qu’on peut devenir

et les jeux de l’amour ont aussi peu de trêves


Écrire écrire écrire afin de chasser tout

je veux nous inventer des destins merveilleux

tisser mon jeu de carte en gros c’est un atout

tant bien que je te fasse est l’ennemi du mieux

samedi 2 septembre 2023

La belle ingénue

 



Quand je repense aux vaines pensées à maudire

à ces postillons mêlés de morve et de glaires

il est difficile à présent de nous prédire


À cours de mots soudain j'ai tenté de te plaire

avec une assonance embrassée — c’est tout dire —

un baiser volé c'est l'escroquerie qu'on flaire


Il y a tant de vers et de rimes à taire

en gardant de tes yeux l'éclat qui m'a tranché

la veine littéraire et mon artère à terre

aujourd’hui que je ne peux avancer sans flancher


La nuit consomme en vain ma conscience égarée

qu'un volatile espoir emporte dans les nues

quoi qu'il en soit pourtant ma mémoire est carrée

colorée de rondeur à ma belle ingénue

vendredi 1 septembre 2023

Le bateau vivre

 



Soumis aux courants comme un voilier sans mâture

— le destin se décide à pile ou face aussi —

j’écrivais spontanément jamais sans ratures


Un peu de travers en récitant mes récits

la sensualité n'est qu'un échange immature

et la raconter bien souvent nous déprécie


Survivre est vivre mieux mais beaucoup plus longtemps

ne pas s’accrocher tel une abeille à son dard

à moins de finir éventré car en gros taon

l'amour imaginé c'est juste une œuvre d'art


Il te suce le sang c’est un buvard avide

et ta coque percée se verse à son calame

écrivons tant qu’on peut pour évacuer le vide

un désir est tombé dans les égouts de l'âme*


https://soundcloud.com/annaondu/le-bateau-vivre