jeudi 20 avril 2017

L'Odalisque



Sa chevelure est comme un drap
Couvrant son sein comme son bras

Chevelure en liquide airain
S'écoulant de la tête aux reins

Sa nudité s'est dévoilée
Sur ma rétine dévoyée

Sa peau m'est comme de la soie
Sapant le moindre amour de soi

La nature était son écrin
La parsemant de quelques crins

Mais son baiser tout aquatique
Est une liqueur hypnotique

Où femme est courbe et sur ta bouche
On lit de Courbet quelques touches

Toi, curviligne asymptotique
Issue d'un liquide amniotique

On te retrouve en chrysalide
En ton cocon des Invalides

Offre à ta toile d'araignée
Riche à ma rime où j'ai régné

L'image infinie de tes traits
Suscitant un terrible attrait

Mais sur ton sourire est gravée
Ma Torah d'une âme aggravée

mercredi 19 avril 2017

Melpomène



Du côté de l'œil gauche
On a du mal à caus' de la mèche
Et pourtant je lis l'espoir
Un espoir de journal révolutionnaire
Un désespoir amoureux
Le conflit de l'Idéal et du Spleen
Une verdure à la Verdurin
L'amour contenu comme un lavabo bouché
Vos cheveux sont les rideaux de l'écran qu'on veut découvrir
Une marque sous l'écran gauche
Une éphélide affirmée
Scelle affirmativement ma fascination pour vos traits
Sobres mais parfaits
Sombres mais éclatants
Célèbres avant que de peupler ma littérature
On dirait que vous m'avez anticipé...
Le fluide de ton regard est pur.
J'improvise, allons bon ! J'improvise un peu sur le dos de ta beauté
Vous m'avez laissé ce vieux cliché pour vous aimer
Cessez de vous plaindre : on ne se plaindrait pas même à vos pieds
Le sable de votre peau claire est la plage où se dissout la mer qui jaillit de vos yeux
Je m'y noie sans retenue
Puisqu'en ton île rien n'est nu
Puisque tes baisers sont séditieux
Puisque ma belle aveugle avance aux pieds nus sur des charbons ardents
De l'œil droit je sais l'espoir absolu
L'espoir aveuglé par les promesses abusives
Et le mal d'Amour inhérent aux perspectives cavalières
Il est l'œil éberlué des amazones exténuées
Cherchant l'orage au cœur des ciels arides
Et quelques rides au sein des jeunes dépressions
Les lettres organisées par tes lèvres sur ta bouche sans parler
Recouvrent l'alphabet de mon écriture et me permettent une folie
Je voudrais t'avoir sculptée de mes propres mains pour être assuré que tu n'es pas un mirage

Et te toucher pour savoir que tu existes.

mardi 11 avril 2017

Descendre




Grandir et se chercher
Chercher à se trouver
Ressembler à ses rêves
Et se chercher sans trêve
Adolescent
Adulescent
Grandir en renaissant
Loin de ce qu'on pressent,
C'est bien ça l'âge adulte !
(Et qu'en moi tout insulte.)
On suicide un destin
On lui noue l'intestin
Si l'on coupe appétit
Si petit à petit
L'on détourne un désir
Émergeant du plaisir
Que ressent un enfant
Dans la voie qu'il défend ;
Le souci narcissique
Est un poison classique
À ces mains de parents
Strangulant l'inhérent.
Laissez les à leurs mues !
Tous ces ados émus :
Ce sera l'unique chemin vers l'âge adulte
— On trouve quelquefois des ratés de ce culte
Ils traînent leur post-adolescence attardée
Sur le verdict de ce mauvais lancer de dés
Mais leur vindicte est justifiée par cette suite
Inéluctable où tourne en rond leur faim de fuite.
Élever un enfant
C'est trouver comme on fend
la coquille de noix
pour ne pas qu'il se noie
la barque qui l'emporte
au loin de notre porte,
Et ne pas déverser
nos dépités versets
sur le germe naissant
d'un arbre florissant.

Ô ma progéniture
Oh, j'aime ta nature
Et ne ressemble pas
À ton hideux papa.

lundi 3 avril 2017

Les ports de pêche (republication de 2006)

Je sais une rue longue et terne,
Qui donna le nom d'un quartier,
Au dessus du port de pêche d'Audierne;
On l'appelle Poulgoazec d'un trait,
Comme un nom de caserne
Qu'on pourrait oublier.
Du temps des grandes pêches on comptait
Plus de deux cents bars, c'était hier...
Chaque commerce, en fait, tenait
Buvette et cafetière,
Les marins venaient s'y saouler,
Racontant leurs fortunes de mer.
Les filles de joie traînaient,
La coiffe en bataille,
Et les femelles mariées guettaient
Leurs hommes au portail,
La brouette pour les ramener
En ivresse au bercail.
Et le célibataire, la racaille,
Allait dans sa galtouze de sel,
Jaunie de marées en pagaille,
Remuer le ventre de celle
Qui l'attendait sur la paille,
Leurs sabots pêle-mêle...
Et les nuits s'enlisaient parallèles
A ces aubes laborieuses,
Où les démons de l'enfer éternel
Et du stupre des nuits sulfureuses,
Ramendaient, comme l'on fait des dentelles,
Leurs filets d'une main méticuleuse.
Et des perches se dressaient majestueuses,
Sur les bords de ces vieux gréements,
Armes dociles et affectueuses,
Qui de ces thoniers étaient l'armement,
Pour prélever en ces mers poissonneuses
La rançon des colères du vent.
Puis venait alors le moment
De prendre la mer en grand nombre,
De chasser d'un revers de hauban,
Les heures de plaisir et leurs ombres,
Et les femmes reprenaient leur rang,
En ces ports qui ne sont plus que décombres.
Si ces mots, ce sont à moi qu'ils incombent,
Comme la vision d'une autre vie,
Ils nous reste tous des traces d'outre-tombe,
Dont on veut témoigner à tout prix,
Et dont les rimes pleuvent comme des bombes,
Sur Brest re-détruit...