mercredi 31 janvier 2018

Présumé Coupable




La culpabilité des uns
nourrit le soupçon sur les autres,
et l'on prend du jus d'nos raisins
pour l'un des sangs qui sont des nôtres ;
on traite aussi d'odieux pervers
en jugeant d'intentions pendables
un Candide en cet univers
où l'on est présumé coupable.

Un grand mélange absurde et con
sert un Grand-œuvre puritain
— dans son très vieux Satyricon
Pétrone écorchait les mondains,
qui dans la Rome décadente
Ouvraient leur bouche abominable —
on sait que la bêtise édente
un Homme présumé coupable.

Alors, la triste populace
agite avec vigueur un drap
taché de règles dégueulasses
où les bla-bla bafouent la loi,
pour s'en faire un drapeau-d'lapin,
pour s'en vêtir (intolérable!)
à la façon d'un escarpin
perché de présumés coupables...

Il est question de s'affirmer
l'antisocial de vos réseaux,
de dégueuler vos « Moi » de « mais »,
vos présomptions sado-maso',
vos mœurs enguirlandées de morve
et vos bassesses improbables
ourlées de réalité torve
où l'on est présumé coupable.

dimanche 28 janvier 2018

Interne être




En croyant s'ouvrir sur le Monde,
on s'est laissé bercer de rêves
— en fumées de brune ou de blonde
embaumées dans leur version brève —
auxquels il fallait décéder
sans décider ni réfléchir,
auxquels on voyait succéder
d'étranges courbes à fléchir.

Et c'est ainsi que d'Internet
on eut le cocon de nos mues,
qu'on fit papillons sans planète
avec le soi qui se remue
sous les clichés que l'on défile
au gré des pires impudeurs,
au vent des instruments sans fil
où s'échouent tant de nos plaideurs.

On dit : « connecte-toi toi-même »,
afin que Je soit bien un Autre,
et des astres nommés « Je m'aime »
on ne retiendra que le nôtre...
Or, il faut survivre à genoux ;
mais d'en mourir il faut bien naître
en oubliant que c'est pour nous
la dissection d'un interne être.

jeudi 25 janvier 2018

From Hell

L'Histoire de "Jack l'éventreur" est un parfait exemple de mise en abime : ce n'est pas "Jack l'éventreur" qui est intéressant, mais celui qui enquête au sujet du meurtrier.
Le faiseur de mort n'est jamais là que pour donner du relief à celui qui est la Vie.

mercredi 24 janvier 2018

Métamorphes



« Mieux vaut tard que jamais », dit l'adage à l'intrus
confondu dans l'écho nu de sa chrysalide ;
on cogne à tous les murs d'un labyrinthe abstrus
quand on risque à changer ses défauts invalides.

Et pourtant, l'on persiste et l'on signe de croix
sur des calendriers de taulards abrutis
par les médicaments, les versets que l'on croit
verlainiens, mais du temps de nos vies départis...

Lorsque venant l'automne on sait quitter l'été,
que la peau de chagrin que devient l'avenir
assène à nos passés des coûts déshérités,

nous scellons dans nos poings ce qu'il peut advenir,
et l'on est bien bien moins ce que nous avons été
que ce que nous souhaitons simplement devenir...

https://soundcloud.com/annaondu/metamorphes

dimanche 21 janvier 2018

Manu'




Puisqu'il faut que l'on crève un jour d'avoir vécu,
que l'Amour et le rêve ont ranci sous nos cloches,
et que nos vies ne sont que des récits de cul,
racontons-nous du vent pour que ce soit moins moche.

Appelle-moi cadavre afin de t'imiter,
que le pourrissement du blues aille en ma trogne
ouvrir un faux-cercueil empli d'intimités,
rempli de ma rancœur et vomi sans vergogne.

Appelle-moi mon frère au signe de Charon
— la barque du passeur est un train de banlieue —
Les yeux bleus de ta sœur ont déposé les ronds.

Mais que de ton sourire en bottes de sept lieues,
je garde épais le livre où nous figurerons ;
nos contes clôturés, nos jeux n'auront plus lieu.

vendredi 19 janvier 2018

Esmeralda










Je partage avec Hugo Pratt le goût du vin,
le goût du sang, périodiqu'ment le goût des femmes,
et saveurs de la Poésie qui font devin
d'un gribouilleur ornant de ses papiers les flammes.

Heureusement que l'autre Hugo — Victor — a su
créer l'Esmeralda peuplant nos rêves flous
de la fée verte de ses yeux qu'à notre insu
le Monde entier vénère et que les salauds flouent.

L'Argentine est bien trop petite à toi l'amie,
vêtue de ta peau serpentine et de tes boucles
anthracites dont l'or noir éclate à demi.

S'il fallait donc que l'on t'enferme ou qu'on me boucle
— Ô ma beauté qu'aux vers et contre tout permis
l'on aime — on m'offrirait tes lèvres d'escarboucle.



https://soundcloud.com/annaondu/esmeralda

mercredi 17 janvier 2018

Gardel




Nos deux fantômes hantant leurs lieux fort interlopes,
ils glissent sur des airs de ne rien interdire
et sur les rails cousus par cette Pénélope,
Ulysse ou Joyce ou moi, je me revois lui dire :

« On remercie ce Dieu qui créa ta beauté,
qui changeant le désert aride de mes rêves
en oasis ensommeillé, m'a raboté
le surplus d'inutile où je t'aimais sans trêve. »

Et languissant dans l'eau des larmes du Tango
— lorsqu'on se désaltère à son cœur d'hirondelle —,
il pleut les équations des échecs et du go.

L'averse est pour le moins ce que je garde d'Elle,
entrelacée des pas où frottaient nos gigots,
son regard et la voix du vieux Carlos Gardel.

https://soundcloud.com/annaondu/gardel

jeudi 11 janvier 2018

Aphorisme aveugle

Je suis un miroir qu'il faut briser pour savoir ce qu'il contient.

L'attente



Les fétus dévêtus de nos pailles en poutres
emploient la pesanteur à tromper nos allures,
et l'insensé volcan dont la lave est le foutre,
inonde atrocement les jolies chevelures.

Où t'es-tu donc noyée mon ancienne innocence ?
On ne t'a jamais crue débordant de désir,
et pourtant tu le sais, toute ma quintessence,
est en toi survivante et mon besoin d'écrire.

Il distille inconscient, des vapeurs intrusives,
il habille de blanc ma charogne éclatante
en te chargeant du reste à l'humeur corrosive.

Il édicte un baiser à tes bouches béantes,
à tes lèvres gonflées la caresse invasive,
un Amour est toujours une lettre latente.

https://soundcloud.com/annaondu/lattente

mercredi 10 janvier 2018

Sérendipité




Le verbe est un peu comme l'âme
et vagabonde à tout hasard,
réincarnant parfois en flammes
un batracien voire un lézard.

Et lorsqu'il lance un dévolu
sur le Poète — ô pauvre humain ! —
son gant de fer irrésolu
confie du velours à sa main.

Ce dernier ne sait plus comment
lui sont venues ses assonances,
et pourtant comme d'un roman
sort une étrange rémanence.

À chaque femme est une histoire
(un faux prétexte littéraire),
il entrelace un auditoire
entre des réels et leur air.

Il fait des vers au chalumeau
de ces amours que rien ne prouve,
or, il n'en cherche pas les mots
car ce sont les mots qui le trouvent.

On dira mal à son encontre
et beaucoup seront dépitées
par le hasard de ses rencontres,
oui par sa sérendipité.

https://soundcloud.com/annaondu/serendipite

dimanche 7 janvier 2018

Regarde



Lorsque ta vue me rejeta
m'ôtant de ton cœur un carat,
mêlant ses diamants végétaux,
j'embuai ton souffle en carreaux.
J'ai bu dans tes yeux des prairies,
ma menthe-à-l'eau, mon eau-de-vie,
J'ai lu dans ce vert sidérant
mes folies de mer et de vent.

Devant des rideaux de brouillon,
j'écrivais d'un don débrouillard
un peu de ta mine au crayon,
beaucoup de mon amour criard.
Et puisée dans l'onde irisée
de ton clair regard arrosant,
mon encre en toi s'est déguisée
dès lors en dealer dégrisant.

https://soundcloud.com/annaondu/regarde