lundi 26 février 2024

Les âmes solitaires

 


Dites-moi l'entendue de ce que je fis mal

on dressera sa carte afin de la brûler

de couper tous les liens comme on castre les mâles


En chemin vers autrui je n’avais qu’un aller

mais qui vivra verrat ne sera qu’animal

un cochon s’en dédie qu’on ne peut qu’inhaler


Dites-moi le salut que l’on trouve en ces ports

où l’on balance au gré des vents contradictoires

où la parole est lourde aux sous-entendus forts

exultant à demi tout en criant victoire


Un chemin s’est ouvert au milieu de ces temps

perturbés engraissés de passions délétères

en sa douceur ta peau n'est pas neutre et pourtant

la nuit n'appartient plus qu'aux âmes solitaires

samedi 24 février 2024

Jo

 





« J’avais des visions brûlantes

au point d’en avoir mal aux yeux

car elles n’allaient pas de l’extérieur à mon cerveau

mais en sens inverse »

Jo venait baigner son front fiévreux

d’un linge ayant la douceur

à la fois de son regard et de ses gestes

elle était attentive attentionnée.


« Des soleils inondaient mon crâne éperdus

tourbillonnant comme des feux follets

dans un cagibi sombre et renfermé

ma tête où je me sentais perdu »

Jo prenait également soin de ses passions

les toiles étaient entassées face au lit

chacune était recouverte d’un délicat tissu

pareil à celui dont elle épongeait les suées.


« Je viens d'écrire une longue lettre

et parfois ça vous mange le croissant d'une nuit

j’y raconte un peu mes envies de créations

mes idées qui dérangent et ma lumière en pluie »

Jo venait d’accoucher d’un petit Vincent

dont elle avait voulu le prénom de son beau-frère

alors elle aimait le bercer d’un tendresse en miroir

et prendre un soin particulier de son être et de son art.


« Il a plané comme un grand oiseau cul-d'jatte

au dessus des rêves irréalisables sur lesquels nul ne peut atterrir

on ne peut pas atterrir en s’envolant plus loin

c’est pour cela que je dois maintenant mourir »

Elle était amoureuse en vérité de ce garçon

Jo que son frère épousa se réalisait dans son génie

Théo n’aimait que par épisodes

ainsi qu’un marchand de tableaux qui défilent.


« L'ignorance est un puits terrible

auquel s'abreuvent les théories qui font sombrer le monde en son cœur abyssal et noir et profond

mes beautés quotidiennes se sont égarées sur des chemins de traverse

et mes couleurs aussi s’y sont délavées »

Jo le fait taire en son délire hypnotique

elle est au courant que c’est un accident

qu’il ne s’est pas suicidé

mais qu’il est parvenu jusqu’au summum esthétique.


« Un baiser c'est deux tranchées dont les lèvres signent l'armistice

et je suis resté seul avec un tas de pinceaux

seul avec une obsession que toi-même et ton époux ne pouvaient comprendre

une obsession que je ne comprends pas »

Jo lui sourit

Vincent meurt il le sait

Vincent meurt elle le sait

la tranchée de la guerre à venir est dans ce dernier sourire.


Auvers-sur-Oise a rendu sa sentence

et l’église emblématique a sonné les matines

un peintre a décédé cédant au Monde un tas de toiles

une araignée délicieuse habitant au plafond de l’église

unissant les doigts de l’Homme et d’un Dieu

dans un poème universel

et Jo passa sa main sur ses yeux

son regard ardent s’était éteint

Jo se sauva de Théo

qui mourut dans les six mois

d’un mal absolu dont elle ne fut pas atteinte

— un don de la prostitution dans les maisons closes —

en se retrouvant propriétaire ainsi d’une immense incomprise inouïe collection.


« Qui cherche à s'interroger n'est qu'une île inconnue dans un océan d'angoisses

il y avait dans les lignes des traits de son visage

un fulgurant résumé de ce qu'est la beauté

Je meure au bonheur infini de ce qu’elle aura fait de moi »

Jo retourne aux Pays-Bas

sa famille ainsi l’aide en assurant la collection

la première exposition n’est qu’un triomphe

et Paris de nouveau lui tend les bras.


« Le bien peu de choses que l'on est

s'invite aussi parfois à leur partage avec les jolies choses que vous êtes

une fable est toujours une vérité cachée

que personne n'est prêt à recevoir en tant que vérité pure »

elle s'inscrit en 1894 au parti travailliste

en 1914 elle fait transférer la dépouille de Théo près de la tombe de Vincent

le lierre unit dans l’éternité les deux frères.


(Une union de deux amours).


« On en voudrait toujours plus

mais au final on en a toujours moins

l'amour est un ogre anorexique

et sa rançon n’est qu’un moyen »

Sans Jo pas de Van Gogh

elle a fait de lui celui que nous connaissons

sa vie lui fut dédiée dans son intégralité

je ne connais pas plus beau sacrifice.




jeudi 22 février 2024

Jeux du cirque

 


La beauté d'une femme est le seul abandon

qui nous soit impossible ensuite à relever

nous marchons à genou sur les pas de nos dons


La trace de nos sangs facile à prélever

s’étale en flaque rouge au cœur en myrmidon

l'amour est un enjeu pénible à révéler


Nous nous évanouissons de notre propre angoisse

envers un sentiment qui parfois tient du jeu

mais quoi que nous fassions le seul fait c’est qu’il croisse

et des corbeaux de lui font un ciel orageux


L'instrument du désir est un tranchant scalpel

il oscille en sourdine entre en champs sémantiques

entre un cirque espérance et douloureux rappels

on est pris tout d’un coup d’un élan romantique

mardi 20 février 2024

Résistance

 


Scélérat me secoue mon tourment d’un clapot

les rats de moscou nous ont savonné la planche

en nous volant la bouée qui nous sauvait la peau


L'envie vin se répand sur une nappe blanche

et vainement tâche de sang sur un drapeau

l’évènement violeur aux libertés qui flanchent


Un silence est le bruit de la vie qui commence

il est aussi celui de la vie qui finit

dans le tumulte honni lorsque la guerre avance

et que les partitions ne sont qu’entre pays


Tout souvenir est lendemain potentiel

il nous fait résister nous battre et réclamer

l’or éclatant des champs de blé le bleu du ciel

Les chants des partisans qu’il faudrait acclamer

dimanche 18 février 2024

Galathée

 


La chaleur de ton corps engendrait mon climat

la couleur de ta peau conditionnait ma langue

un tropique exaltant fleurissait mon coma


Créer c'est accoucher d'un rêve hors de sa gangue

arraché de la terre en Galathée karma

Pygmalion je t’essuie je te suis anti-gang


Et si l'invention de la vie passait par des mots

la clarté de tes yeux m'enivrant de lumières

il me faudrait écrire à quel point comme émaux

j'espérais deux baisers au dos de tes paupières


Il y a le secret d'une emprise absolue

dans l'hypnotique articulation de ton corps

et quoique dans tes baisers jamais je ne l’eus

l'amour est une idée qui passée dure encore

vendredi 9 février 2024

Soudeur

 


J’observais ta beauté de mes grands yeux brouillés

nous étions différents nous étions deux jumeaux

la nuit se tend sur nos peaux comme un drap mouillé


J'écrirai sur ta bouche un maquillage en mots

qui raconte en son lit nos deux langues rouillées

que je redresserai du feu d’un chalumeau


Le désir est la lente agonie de l'espoir

entre dans chaque nuit comme une exploratrice

où ton sourire inouï qui forge ma mémoire

effacera d’un doigt mes grandes cicatrices


Si l'amour est un don je suis caritatif

et ton envie me soigne à grands coups de consoude

un onguent s’est issu de ton mérite hâtif

un médicament né des fantasmes qu’on soude

dimanche 4 février 2024

Hétéronyme

 


Camille est le prénom Bergman est à la suite

et s'inventer un nom pour survivre au marasme

en justifiant de fuir est sa façon de fuite


— En crachant dans la toux l’atout d’un amer asthme

et des mots de papier que l’on regrette ensuite

à sa lecture inouïe lorsque l’on aime Érasme —


Un philosophe ancien ma confié sa vision

Fernando Pessoa m’a prêté sa folie

l’alcool est un désinfectant de l’excision

de l’âme exorcisée quand on meurt en son lit


La plus petite pluie peut s’aplatir en plaie

d’un coffre sort un nom qui nous ferait dire Oui

mais c’était le courant d’un froid qui se déplie

dans cet hétéronyme aux sons dont je m’enrouais

samedi 3 février 2024

Pagaille

 


J'ai pêché sur ta lèvre un goût de liberté

j'aime la nuit car elle insinue mes mensonges

et tout se juge ainsi sans sa sévérité


Ces petits mots d’un petit singe (un petit songe)

un instant cependant disaient ses vérités

qui comme un acide ou le temps souvent nous rongent


Ils m’ont rendu bien fou m’ont rendu vert de rage

ils m’ont parfois décrit dans ce que j’écrivais

nous nous semons de grains pareils à des orages

et nous germons de feux n’étant pas de forêt


D'aimer l'espoir est un désir inassouvi

car aujourd’hui je me sens bien abandonné

pourtant je le concède aucun n’a vu sa vie

le désir est un jeu de pagaille ordonnée