vendredi 24 janvier 2025

L'éclair obscur



Nous rêvons de la Lune et souvent des étoiles

et pourtant bon an mal an nous ne sommes que

de petits individus perdus sur la toile


Et tout en pataugeant dans ce rêve visqueux

la plume et son goudron nous dépeignent à poil

écrivant des sonnets sans en-tête ni queue


Le pinceau de l’artiste est sa seconde peau

le moyen de la mue si précieux que ramène

une illusion divine agitant son drapeau

le froid remplit les canalisations humaines


Un désir est une itinérance insensée

les ardeurs de l'Amour ont des vertus d’envies

mais loin de tout cela je voudrais encenser

la nuit qu'éclaire obscur un peu de notre vie

mardi 21 janvier 2025

Raz-de-marée



Je fus le citadin de villes englouties

marchant le long des rues sans dégoût marchand d'armes

égoutier des chats de gouttière abrutis


J’errais donc menotté sous le joug des gendarmes

Ys et sa cécité sous les flots emboutie

par un beau tsunami dans un odieux vacarme


Accoudé sur les rebords et sur les balustres

effondrés sous mes bras des balcons de papier

sombrant au plus profond de ces cités lacustres

il me fallait la nage où je n’avais pas pied


Je me noyais dès lors à ce flot clapotant

de plastique ordurier — l’art ineffable ment —

de l’argent ne restait l’illusion que le temps

raz-de-marée recouvre inexorablement

samedi 18 janvier 2025

Baîllonnés



L'obscurité s'étend comme une tâche d'encre

un amour est ancré tout entier dans tes yeux

ce fond d’écran me dévore un peu comme un chancre


En constatant le bond fait à titre gracieux

je ne suis plus pour toi qu’un indicible cancre

auquel on a donné des billets fallacieux


L'espoir est cantonné dans un regard à fables

aimer sans vanité c'est s'offrir au billot

c’est ce qu’il se produit lorsque l’on passe à table

et qu’on s’avoue morue de l’autre en cabillaud


Retrouvons-nous dans les rêves de la nuit

quand tous les deux restons insoumis par les forts

aspirons de baisers le poison qui nous nuit

nous sommes des enfants bâillonnés par l'effort

jeudi 16 janvier 2025

Tunnels



Les constructions de nos présents

sont les ruines que regardent déjà

nos enfants enveloppés de mensonges

et l’ange exterminateur

expiant mes songes

a la tâche ardue

dont l’auréole est maculée

d’arc-en-ciel

où le soleil est diffus

le propos confus

la parole essentielle

où le pouvoir d’achat

se matérialise en mots malaisants

de ce qui reste un dû

d’un verbe indûment reculé.

Les êtres se bercent dans l'illusion d'être

alors qu'il faudrait pour ça

dépasser les illusions du paraître

et du vouloir exister

sans rien bouger autour.

Il faut entrer dans la bouche ouverte

où le monde avale

ingère

à moindres pertes

un morceau du genre humain

« Le dormeur du val »

un peu de chair

et de vieux parchemins.

Ce que j'aime dans la notion de « Voyage

au bout de la nuit »

c'est qu'elle n'a pas de rationalité délibérée

qu'on peut lui chercher un sens trivial

— elle lui échappe perpétuellement —

parce qu'elle n'est pas le produit d'une pensée philosophique

elle est l'expression spontanée

d'une vision poétique

inouïe

même inespérée

juste incoercible

innée

conviviale.

Au fond des égouts de Paris

depuis le camp de Mauthausen

pour une grande évasion

beaucoup les ont pris pour cibles

enfonçant dedans

la pelle à l’appel

en fonçant dedans

rats de laboratoire

en fronçant les sourcils

en forçant le respect

souterrain oratoire

où l’on prie le Dieu du justice

agneaux consentants

d’un sacrifice.

On se débat dans les idées

tel un Homme à la mer

on les saisit

comme autant de bouées de secours

et dans les trous

tel un Homme à la terre

on figure à la proue

d’une franche hérésie

sévère et sans recours

aux abris anti-aériens.

La perspective de rien

c'est déjà des brins de bonheur

et tout ce que l’on doit

dont l’on mérite aussi l’honneur

aux ténébreuses fantaisies

tout effleurées du doigt.

Depuis des années

je visite des tunnels

à la recherche d'une issue

vers je ne sais quelle existence

alors que chercher suffit à exister.

dimanche 12 janvier 2025

Littérature



Il faut inventer l'improbable

afin de créer du bonheur

et considérer ses semblables

avec infiniment d’honneurs


Rêver est opportunité

d’écrire un vers en chevrotant

l'amour est d'une éternité

qui ne dure qu'un certain temps


Je faisais pitance à mon fils

aimer c'est donner à manger

sans l'idée d'un bénéfice

aimer c'est être boulanger


Parfois rouler dans la farine

en découvrant par un seul bras

sa couverture ultramarine

et j'en retire à moi les draps


Jamais Beauté n'égalera

l'idée que l'on veut bien s'en faire

ou le fantôme d’une aura

jugée par un seul bras de fer


Ainsi vont les pressentiments

dans ce monde où plus rien ne dure

immensément les sentiments

constituent la Littérature

vendredi 10 janvier 2025

L'écran



La nuit n'est qu'un espace interstitiel aux jours

aux exploits quotidiens dont on s’est anobli

d’un bon geste en douce et des sentiments qu’on choure


En tout récit d'amour est un récit d'oubli

dans ces bas-fonds je me sentais seul de séjour

et pourtant tout résiste incommode et tout plie


L'avenir est une question de point de vue

qui dépend du passé que l'on n'a pas vécu

qui ne tient jamais compte en fait de l’imprévu

l’histoire au bout du bout s’écrit sur papier-cul


Le drap de mon écran pose au spectateur

un voile infiniment délicat sur les yeux

le temps d'aimer revoir un film et ses acteurs

afin de les juger d’un papier sentencieux

jeudi 9 janvier 2025

Paris



Mon récit s’écartèle entre

un lointain Pont-Croix

la rue qu’on traverse à Paris

— j’en suis né à cinq odieux mètres —

une mère arrivée du bout du monde occidental

et qui m'a collé

le prénom d'un roman sibérien.

Nous enfantons des monstres

à chaque fois que nous cherchons

à penser pour les autres.

Avant de chercher l'autre

on devrait se chercher soi !

Je suis un enfant du point zéro kilométrique

au pied de Notre-Dame.

On pourrait passer des mois planqué

si l'on n'est pas complice avec soi-même

on se trahit :

les idées se diluent dans les discours

ainsi qu’un rêve en la réalité.

Les rois sont arrivés le 6 janvier

— date de l'Épiphanie

de la naissance de Jeanne de France

enfumée dans Rouen

là vit ma fille issue de la même date

après Roubaix dont les pavés menant à Paris

l'ont donc aussi faite petite reine —

ils crèchent à présent dans la crèche.

Écrire au-delà de minuit

c'est masquer la plume

(on est toujours loin de tout

lorsqu'on n'est près de rien).

Paris ma ville mamillaire

a lâché ma main littéraire

un sourire accueilli sur un quai conquis

le Quai Conti

le pont des Arts

et ses lézards

et ses lézardes

en faisant le pan-désastre

à la recherche de moi-même

et de Peter Pan.

Le petit roman qu'on se bâtit

n'est qu'un trou

dans le le mur de l'Histoire

on fait beaucoup de bruit

sans bruit

quand on préfère aux slogans

la plume alerte.

Aimer

finalement

c'est le seul verbe à ne se conjuguer

qu'à deux personnes.

Elle était si jolie dans cet univers grouillant

qu'on dirait une perle

au milieu d'un bouse.

Et si la véritable envie

le désir accompli,

résidait simplement

dans nos proximités sensitives

et nos pensées partagées ?

Je savais qu'à Paris

j’allais écrire assez différemment

c'est l'éloignement de Paris

qui me rabat à l'alexandrin

comme au Spleen.

Écrire est aussi riche

en vrai

que composer

— nos partitions sont infinies.

Dès que je reviens dans ma ville-lumière

et son Quartier Latin

je change

un peu comme un Mr Hyde ébloui

dont le verbe ébahi

s'ouvre à toute opportunité.

Mon silence est l'écho du bruit que mes mots font

demain n’est qu’une hypothèse

hier un château de cartes abattu.

Je me souviens de Paris

de son Quartier Latin

de ce luxe ancien

qui miroitait de souvenirs

un peu comme une peau de serpent

qu'on finit par jeter

(nous bousculons nos nuages entassés

pour nous inventer du ciel bleu).

Paris me manquera

parce qu'elle a le visage alternatif

où mes grandes amours

— réelles ou rêvées —

se sont affirmées.

Chaque effondrement

pose une pierre à nos reconstructions.

Je retrouve en Paris,

l'infinité de tous les possibles

où ma jeunesse avait crû

les amours oubliées que ses pierres ont retenues

les opérations de survie patentées

tout résonne en moi

de manière irraisonnée.

Les pierres ont fossilisé ton âme

au coin de la rue de la Montagne

et de la rue Laplace

engourdissant pour une éternité nos étreintes

et nos baisers.

Ceux-ci fossilisés

gardent un goût de calcaire

et l’émotion

DLC dépassée

de Paris.

dimanche 5 janvier 2025

L'intègre attitude



J'attends la pluie pour me laver

de tant d'insolations de femmes

et quelques feux pour emblaver

l'improbable retour de flamme


Ou réagir un peu plutôt

j'ai dépensé bien des baisers

dans tant de loteries plus tôt

déjà débaisant des pensées


Des pendules et des horloges

un battement de cœur est mien

car en la cage où je le loge

il est celui d’un bohémien


D’un bateau ivre en cargaison

j’ai pris le pire et l’ai défait

le sexe est la conjugaison

d'impératifs à l'imparfait


Si le désir est taciturne

alors il faut s'en ennuyer

pétrir une passion nocturne

évidemment sans s'y noyer


Mais quoique en intègre attitude

on ferait dire autant de messes

aimer est une ingratitude

où l'on se paie de ses promesses

samedi 4 janvier 2025

Écoulements



Je luttais contre une attirance irréductible

il y avait ses seins son visage et sa peau

tout en elle était à mes sens irrésistible


Et de mes yeux posés je caressais son dos

le désir est une conquête imprédictible

aux sommets les plus hauts de notre libido


Je regarde le lac où la pluie dégouline

en janvier le temps n'est que son visage en pleurs

un beau miroir où se reflètent les collines

où s'épand la tristesse en sa plus froide ampleur


Or en belle amoureuse elle a parlé des gens

la nuit forme un delta dans notre écroulement

son doux fleuve est en crue la rivière est d’argent

nos liqueurs ont vécu de ces écoulements

mardi 31 décembre 2024

Chanson rimbaldienne



Quand la pluie tombe en rangs serrés tout nous transperce

et les premiers jours d’une année vite impétueuse

écouleront le sang d’un tonneau mis en perce


En goûtant au venin de mon araignée tueuse

au regard effarant d’une princesse perse

une attirance est une passion délictueuse


On pense intimement que nos pensées travaillent

il n’en est rien en fait le mariage a son ban

qui décide sa date arrêtée quoi que vaille

un jour qui se relève ou cette nuit tombant


Reste entre le désir et l'amour un fossé

minodant ta paupière un de mes vers miaulait

d’un regard hors atouts je m’était défaussé

j'ai violé les volets de tes beaux yeux violets

L'inespérance



Nous reposons sur l'intuition

d'une existence inespérée

l'Amour est une hésitation

le désir est dégénéré


Tout nous enjoint à l’escalade

en Bête à Saint-Chély-d’Apcher

mais tout nous prête à rigolade

alors qu’on en devient l’objet


L'espoir est un bouillon de maux

qu'il faut disperser à l'envi

pour en retirer les grumeaux

je n'ai pas besoin d’un devis


Bien écrire est un vrai combat

chaque mot de ma Poésie

garde le Nord à son compas

ceux que j’ai lu sont des sosies


Je me suis tant rêvé Rimbaud

que je crains d'incarner Verlaine

et si je kiffe tes reins beaux

les vues du sexe sont vers l’aine


En tête est un petit pays

qui cherche son indépendance

et sous la cendre à Pompeï

se trouve mon inespérance

lundi 30 décembre 2024

L'homme labyrinthe



Peindre une toile

ou réaliser un portrait

c'est extraire l'essence intime à l’être

afin d'en asperger le support

et Süskind n'est pas loin de la vérité dans son allégorie

du "Parfum" :

quelque chose est amoureusement criminel

en l'acte créateur au reflet pictural ou littéraire.

Il arrive heureusement que certains auteurs

(à la fois poètes et réalisateurs)

arrivent à ce point à décrire

une époque étant leur

qu’ensemble on suive enfin leurs géniaux leurres.

Ainsi

je serai le poète de la nouvelle effroyable

aliénante et démunie misère

à laquelle il me faudra parvenir

à pendre des mots

par la corde vocale au besoin.

J'ai rêvé de ces pendaisons

de crémaillères

où des funiculaires conduisent à la mort (organisée)

pour les simagrées d'une société

momifiée dans le dégoût d'elle-même

offerte en bouche aux miasmes

immondes et purulents de sa propre pourriture

éduquée par le verbe à la soumission carrée

du racialisme le plus sordide et le plus vain.

J'ai rêvé l'effondrement des cheminées de nos angoisses

un peu des pluies savonneuses dont on se lave à satiété

dans toutes les questions qui comptent.

Dis

dessine-moi un mouton !

C'est l'Aïd et je l'égorgerai.

Chaque homme est un labyrinthe

et plus il est intelligent

plus le labyrinthe est complexe

et peu d'entre ceux qui l'ont parcouru

sont parvenus à s'en issir.

Au bout de la Nuit

lorsque l'on écoute une belle musique

— à la façon de Satie —

tombe ainsi que la fin d'un second jour

une délicieuse sensation

celle de ne plus rien attendre de personne

et de résider dans un labyrinthe

une coquille de noix

prête à se faire broyer.

Soirée durant laquelle on s'escrime à ne rien faire

à trancher dans l'art au fil du rasoir

à raconter sa vie

pleine de trous à des passants-mémoire

extirpés d'un présent dépassé.

La nuit recouvre

assez souvent

les errements de chacun

c'est la raison pour laquelle on y trouve

un tas des musiciens les plus doués

les vendeurs de rêves les plus fous.

La nuit

c'est le temps des oiseaux aux pupilles énormes

et le moment des petits rats qui grouillent au Sol

ils en avaient perdu la clef.

Nous naviguons sur le radeau des villes

un peu comme des réfugiés d'un Eldorado

qui n'existe plus

que dans les prospectus

d'un libéralisme écervelé.

Les constructions de nos présents

sont les ruines que regardent déjà nos enfants

tout enveloppés de mensonges.

samedi 28 décembre 2024

Spleen et idéale



Tout peut s'écrire à coups de reins sans prévention

j'étais un être épris qui roulait dans sa couche

et qui s’en régalait sans nulle prétention


C'était un miel extra' qui coulait dans ma bouche

on avait pour le moins fait fi des conventions

plus tard on sentit que très froide était la douche


Au cœur de mon amie qui palpite en saignant

(sa chair est délicate et son fruit du plaisir)

— et pourtant ce marasme est un bon enseignant —

je dois bien la rançon de ce verbe à saisir


Un baiser qu'on dépose est le témoin d'un corps

et d’une histoire aussi : du Spleen on fit des halles

aux marchands du Temple et qui nous réclame encore

entre mes mains j'ai pris sa rondeur idéale

vendredi 27 décembre 2024

Du bout d'un ongle



Le désir assumé se trouve au bout d'un ongle

en posant la main sur ton sein comme un idiot

j’aperçus la couleur avec laquelle on jongle


Un rouge vermillon de feux pentaradiaux

de doigts fourmillants dont j’ai repeuplé ta jungle

et de grands cris saisis dans le poste à radio


Nous appelons Amour une idée du fantasme

un concept alarmé comme à l’armée l’on ment

pour s’en faire au final une idée de l’orgasme

au premier des baisers c'est un accouchement


J'étais un maori mais amoureux d'un sein

de ta beauté totem enivrant tous mes sens

un peu de ta folie bourdonnant en essaim

tatouage en spirale abreuvant mon essence

jeudi 26 décembre 2024

Le fruit du désir



Dans le fruit du désir est la graine amoureuse

et mes alexandrins décorant ta rousseur

égayaient de leurs sons ce qui mit l’âme heureuse


On peut chercher la pomme ou quelque autre douceur

il n’y a qu’empêcher l’originale et creuse

assonance à rimer dans cette encre à noirceurs


Éteignons de nos doigts les bougies du passé

chaque éphélide en toi dit le temps segmenté

j'ai gardé trente années le goût de tes baisers

ta beauté tant aimée que j’avais aimantée


Les fruits de ta passion ne sont pas cruciformes

et les clous de nos croix non plus quoi que l’on blâme

en réalité vraie ne sont pas uniformes

amour et sentiments sont les tranchants de l'âme

mercredi 25 décembre 2024

Rase compagne



La lame haute et l’âme hautaine

est-elle enfin celle qui ment

les larmes sont cette fontaine

où se nettoient les sentiments


Le désir a pris l'habitude

audacieuse à s'offrir un nid

dans un bois d’inexactitudes

où tout commence et tout finit


Sans plume il n'y a pas d'envol

un objectif inespéré

le pire est lorsque l’on convole

en relation désespérée


Nous hésitions sur un prénom

la vie s’ajoutait à l'enfer

hérité des années sans nom

ce dont nous n'avions su que faire


Écrire est un geste d'amour

où le corps en toute encre sombre

à la façon du troubadour

en équilibre sur son ombre


Oui nos passions bien moins que l'Art

ont débattu dans nos campagnes

en faisant croire aux canulars

où nous découvrons nos compagnes

mardi 24 décembre 2024

Notre-Dame



Quand j'étais jeune et j'étais beau

je courtisais mais maintenant

je ressemble à Quasimodo

je suis ingrat d'un seul tenant


Le clochard en sonnant les cloches

a trouvé son triste surnom

Notre-Dame en bat ses baloches

et la mise en Seine est sans nom


Le quartier du Marais s'enlise

et le métro de son regard

indique la station l'église

où nous avions fixé rencart


En cathédrale est le plaquage

en or durable est le lapin

mais de quoi sont faites les cages

où nous crevons soir et matin


J'aimerais briser le destin

comme une boule de cristal

à laquelle un triste intestin

plierait sans que rien ne s'installe


Et rendre à notre religion

Noël un véritable but

par-delà pays et régions

l'amour est un éclat début

lundi 23 décembre 2024

Rapacité



La nuit n'éteint que les passions

se libérant entre deux corps

oubliant l’imagination

qui scelle entre deux cœurs accord


Rien ne singe un amour autant

qu'un cheval à bride — abattu —

qu’une charogne au mauvais temps

sa chair aux petites vertus


Le fruit de nos nuits poétiques

est envahi par des nuées

dans cette vieille peau éthique

un don dont je suis dénué


Du cœur enfin je n'ai rien du

je n'ai pas besoin de devis

le lien que je n'ai pas perdu

c'est celui de ma fin de vie


Je voudrais inventer des mots

pour te parler de la beauté

car on ne peut décrire en gros

que ce dont on pourrait l’ôter


L'infini des pluies qui m'enserrent

est le sanglot long du poème

un rapace a pris dans ses serres

un vieux vers et tout ce que j'aime

samedi 21 décembre 2024

L'amour à vendre



Serre-toi contre moi quand la nuit va trop vite

en étant bien plus seul on fait moins le malin

l'affreux doute est-il un amoureux d'Aphrodite


Une épaule de fille est un lieu de câlins

la plage où l’on s’attarde à ce point qu’on l’habite

ici ton haleine a ce parfum d’air salin


J'ai mis dans ton corsage un morceau de ma vue

la nasse de ton corps est mon piège espéré

l'amour et ses moissons perdus de bévue

la courbe de tes reins fantasme oblitéré


Les coussins de mon cœur ont l'angle de tes seins

tout est beau de ta chair et le reste est abject

il y a l’argent sale évidemment malsain

quand l'amour est à vendre on n'est plus qu'un objet

vendredi 20 décembre 2024

Truelle



Tes pétales de lèvre ont le parfum des fleurs

engrainées sans raison dans l’intime rouage

au clitoris ému lorsque mon doigt l’effleure


En rêvant de ta peau comme on fait tatouage

en caressant l’épaule et ce sein persifleur

on devine aisément qu’on désire à tout âge


Oui l’âge et ma laideur en feront fuir encore

et pourtant j’anticipe une issue moins cruelle

en lisant mon délire à propos de ton corps

un peu de poésie construite à la truelle


On bâtit l’illusion sur quelques points communs

des plaisirs attendus de se sentir à cran

d’une verge une vulve et parfois d’une main

projeter son fantasme est rêver sur écran

jeudi 19 décembre 2024

Papillon de suie



J'ai tapoté du doigt tes courbes rebondies

celle aussi d’un dessin gravé par un tatoueur

et j’en ai fait le tour un doigt me répondit


« Quoique le sexe en ait l’argent n’a pas d’odeur

et la prostitution commence à ce midi »

la beauté de la Femme étouffe nos laideurs


Rare est la force échappant à la sujétion

le vice a bien saisi l’écrou que l’on desserre

un plaisir sexuel est une autosuggestion

chaque fruit de la nuit se déguste en dessert


Alors il faut croquer la pomme appeler Wilhelm Tell

en changeant la flèche d’Éros et son lent vol

échanger l’être et l’âtre est un péché mortel

l'amour est un papillon de suie qui s'envole

mercredi 18 décembre 2024

Sept fois huit



I


Finir est la jolie façon de commencer

j'écris pour repeupler le désert de ma vie

bruit du papier qu'on froisse et de l'âme altérée

le badge est là qui dit enfin touche à mon pote

on sait comment tout cela finit comme on sait

laissez-moi donc de folies l'espoir assouvi

parfois sous terre avec une mine atterrée

le fruit de nos passions se résume en compote



II


Il est bon que la Poésie nous trouble encore

rien ne justifiera jamais l'exploitation

l'amour de l'Art est-il un art de l'Amour

rien n'est plus aboutit qu'un échec en lumière

un Lucifer obscur un petit diable au score

et vous rencontrer là sans préméditation

vous prendre par la main sur des voies de labour

est vraiment retrouver la belle idée première



III


Rien n'est plus vain que de chercher à ne pas l'être

en ma désespérance est mon puits littéraire

on y puise on s’épuise on repeint le décor

et ce que je crée n'est qu'en ce que je crois

je fabrique et je forge un poème à la lettre

en martelant ce qui de plume itinéraire

est l'ombre imaginée de ma main sur ton corps

est le poids du désir où l’on porte sa croix



IV


La nuit sans privilège est l'espace où l'on rêve

vivre est se sacrifier pour un bien peu commun

survivre est éprouver l'accès vers un ailleurs

exister c'est se poser en opposition

durant l’éclipse en vrai l’obscurité fut brève

et passant d’un mari vers un vrai concubin

chaque engeance a l’humain dont elle est le bailleur

en cela peu m’importe à quelle position



V


Créer tout ce verbiage est un travail inouï

nos phrases sont des sons des leçons s'articulent

la parole au pinceau marque infiniment l'âme

au couteau sur la toile accrochant à tout prix

ton regard éblouissant dont on est tout ouïe

cette oreille absolue c’est ce diverticule

où l’image et le son sont tout ce que l’on blâme

et parfois on réclame et plus souvent l'on prie



VI


J'essaie de m'inventer des présents plus plaisants

si vivre est se poursuivre on en fait bien des tomes

un paquet de bouquins dégringole des cieux

dégouttant de mes mains c’est normal il a plu

fut-il mal ou bon j'eus l'heur en chemin faisant

de chopper ton sourire accrocher ton atome

ma nuit s'illumine à la clarté de tes yeux

tu me regretteras quand je ne serai plus



VII


Le désir est absent d'un futur idéal

l'intensité du noir est forte à l'équateur

une étoile est visible à cette latitude

et Saint-Ex a mis le point final à la ligne

un aurore est australe et parfois boréale

un baiser survolé c’est un vœu migrateur

et c’est pour ça qu’à présent j’en sais l’altitude

et que je pose à plat tous mes mots qui s'alignent

mardi 17 décembre 2024

Le verjus



Du bon vin j'en ai à Buzet

je sais que Baudelaire en avait abusé

beaucoup d’autres aussi

le désir est bien vain n'étant pas nourrissant

je pense à l'écriture à la façon d'un ver

(un enfant dort à l'insu des défaiseurs de vers)

un fruit noblement pourrissant

sur les coteaux de décembre en Alsace

où les vendanges tardives

agressées par botrytis

ont l’ambivalence absolue du Mal ou du Bien

quand le champignon tisse

une maladie qui rend meilleur

et qui tue.

Le cri vint

l'aigri vin

l'écrit vain

l'écrivain

le Gris vainc

sa partition du Noir au Blanc

du Pinot noir au Gewurtzraminer

il est toqué ce Tokay

qu’on nomme ici Pinot gris

parce qu’un des Césars

a fait planter le cépage en Hongrie

souris majeure et ramoneur

on avait le bon plant

nous avions tous ces arts

et le nom reste à quai.

J'enracine en Racine un serment de sa vigne

et si j’étais devin

mis en bouteille

à la façon de Paris

pas digne

enfin

de bouger d’un orteil

il me suffirait d’un signe

afin de changer son gabarit.

L'amour se greffe ailleurs en l'absence de place

et ce que la philo’ serra

parasite à ce point nos pensées

que l’alcool inutile

— à juste titre —

imbibe au plus profond

nos carcasses dépecées

dépensées

« Que sera sera »

distiller le passé fabrique un avenir

au moment de rajouter la glace

et l’épître

à l’évangile de Rais

quand on touche le fond

de la cuve où l’on a décuvé

d’incroyables cuvées.

La relation se cueille à la façon d'un fruit

— la pulpe acidulée de ses baisers

dégouttait de passion —

tout éclate

un grain de raisin

l’écrin de raison

qui nous maintient loin du bruit

loin de la dépression

près des endroits apaisés

dont nous psalmodions l’oraison.

La pluie qui nous recouvre

est à la fois l'espérance

et l'abandon de nos semailles

on échafaude avec des gueules de bois

qui se retrouvent sur la paille

avec un jus de raisin rance

inconnu des envieux.

Le crépuscule est accompagné de parfums merveilleux

la terre a transpiré

mais sa sueur est divine

et m’a bien inspiré

de petits bateaux ivres encombrent ma mémoire

encombrent mes grimoires

où j’entasse un paquet de mon pop-Art.

Et des leçons que j’eus

l'amour est un breuvage infect à la plupart

en cet alexandrin tirez donc le verjus.

lundi 16 décembre 2024

Concupiscence



Ne parlons plus d'amour et taisons nos désirs.

Entre mes mains qui se diffusent sur ton corps

il y a l'espoir insensé que ta beauté ne soit pas vaine

et que

par-delà les sillons de tes artères

et de tes veines

un peu du tout de tes courbes éphémères

à suivre.

On aime en faux-rythme

— un désastre —

un rythme des astres

et l'on ressent à celui de la pluie battante

un peu de la chaleur du corps dont la gravité s'assujettit

mais que l'expansion nous ôtât.

Puisque au tas vas la pierre

et que les petits ruisseaux

font de grandes rivières

et les soupes les soupières

et les boissons les boisseaux

nous naviguons dans l'ouate

et les cotons parentaux

jusqu'au moment du heurt

aux récifs pariétaux

sur lesquels nous fracassons

nos crânes à leur étau.

Les fruits

de nos concupiscences

ont pris le large

— il a trouvé sa fiancée

sur un autre littoral

et leur alliance est littérale —

à suivre

— Elle a croisé sur la route un beau garçon

qui lui a fait son cinéma

la jeunesse est admirable

et nous n'avons plus qu'à nous cacher.

Leur absolue fraîcheur éclate à la vie courante

insouciante enfin des courants contre

et des glaçons

des icebergs

isolés dans mon esprit.

Nos enfants deviendront des adultes

habillés du souvenir des petits qu'il nous fallait protéger

comme eux nos œuvres ne nous appartiennent plus

mais voguent vers d'insoupçonnables rencontres.

dimanche 15 décembre 2024

Publi-citer



Je n'écrirai pas ce soir.

Il ne faut pas écrire à chaque soir

ce serait publi-citer.

Ce soir

on écoutera le son des poètes qui m'hypnotisent

ils m'ont emporté dans le tourbillon de leur génie

dans l'épaisseur visqueuse assujettie

des poisseuses amours inspirantes

au bouche à bouche

ignifugées

réfugiées

des passions lentes

un peu comme un cancer

ou comme un capricorne

et qui trop pique

avec l'étiquette au col de l'utérus

afin d’éprouver la marque de Lilith

au fer rouge inscrit par les inquisiteurs de Salem.

Moi ?

Je n'écrirai pas ce soir.

Ou je ne ferai que répéter des choses entendues

publiquement correctes

en saluant les infirmes

abreuvant de ma salive un peu des pires atrophiés du bulbe

et refleurirai de mon langage

une déjà sainte entreprise

à la fleur du fusil

à l'ombre espérée d'une éclipse de lune adorée.

Je n'écrirai pas ce soir.

En laissant mes parfaits acolytes

à leurs diversions alcooliques

on sèmera des graines d'écrivains

dispersées au fil de l'intelligence

et poussant de tous les côtés littéraires

en bâtissant de leurs envies anticipées

ma guirlande lumineuse

au catalogue des fantasmes.

Enfin sur un sapin

se détacheront les boules de feu des fiancées

flambant neuves au détour d'un acte notarié

condamné

prêt à nourrir un petit bois de déceptions anéanties.

Je n'écrirai pas ce soir

il est celui des sombres clercs de notaires

il est celui des clercs obscurs

ils sombrent dans leurs écritures

et leurs publications

— puisque publiques —

offrent aux pauvres gens quelques "Oyez, oyez !"

dont se torchent les flammes amoureuses.

Aucune amoureuse ne me l'a demandé.

Sans amoureuse à quoi bon écrire ?

Être une étoile

à certaines est la fabuleuse combustion

dont le talent crée l'irrésistible éclat.

Lou la planète

Apollinaire était l'étoile

l'Iseult du temps triste et des averses

à Tristan les prévisions météo’

mais théologiques

et la cataracte affective

à laquelle nous rêvons secrètement.

Je n'écrirai pas ce soir

et d'autres pourront le faire à ma place.