lundi 2 décembre 2024

Brest '91



J'aimerais vous parler de Brest

en décembre 1991

alors que venait de s'effondrer l'URSS

en étouffant le putsch de Moscou durant l'été

le mur effondré

je rejoignais un bateau de guerre

en déplorant ma mère

morte

un peu plus tôt

salée l'addition

déplorant mes errances

et mon grand amour sacrifié

ma Béatrice innocemment dantesque

et ma culpabilité

tandis qu'elle avait su me suivre au bout du quai de la gare

Austerlitz

un soleil obscur

à sa douceur intrinsèque

Hourtin

le froid de novembre agressant les semelles

et le plomb de l'absurdité

tout s'emmêle

Il y avait sous les doigts du givre

un espoir incertain mais fondateur

et l'embarquement vers ailleurs

au bout du monde 

on la dit "cité du Ponant"

C'est même un message SNCF en gare à l'arrivée

comme une guillotine

on s'aime à tout vent

J'étais marin de guerre

on partait pour l'Afrique

et rien ne rassurait

on n'avait pas de fric

et l'on se susurrait

qu'il fallait s'envoler

loin de la taille humaine

en gros tout ce que je racontais dans mes « Fuites »

(à part Brest en décembre 1991

et cette ambiance improbable insufflée par Kurt Cobain)

une Golf GTI noire aux vitres fumées

comme des lunettes

et des nuits blanches en quittant l’arsenal

échappant le temps d’un soir à la discipline armée

guidé par les marins de carrière au volant

dans la Cité du Ponant

vers un port de commerce à l’époque encore assez délabré

glauque

— ambiance un peu « Cargo de nuit » —

mais en boucle un nouveau titre

on y baigne

écourte

écoute

au César

en plein PO-GO

« Smells like teen spirit »

Head banging

autant les étudiants que les marins

les jeunes filles et les garçons

dans l’abandon

de leurs inhibitions

de ce qui les irrite

un jeudi soir en automne

(en sortant besoin d’un sonotone)

et quittant le dancing

allant du bar au parking

en rejoignant l’arsouille en croisant les flics-mar’

en se couchant dans sa banette

(à ras du sol en dessous du niveau de flottaison)

juste en dessous des deux autres où ça ronfle

— à voile un vent ça gonfle

à vapeur on est plus malhonnête —

est-ce un rêve en mémoire ou bien un cauchemar ?

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