samedi 30 novembre 2024

De ce qu'on fit confit


Aux combattants de l’Ukraine,


L'effroi de l'horizon dicte un rythme à nos mains

nous sombrons dans le songe en espérant survivre

en applaudissant un cauchemar inhumain


Tout d’un coup nos carreaux se recouvrent de givre

il n’y a plus de vieux ni non plus de gamins

dehors est la tranchée qu’on arpente encore ivre


Il pleut des bouts d’acier sur un champ désolé

des canons putassiers d’un chant qui rugirait

trouent notre sol en vain je m’y sens isolé

j'ai rêvé d'un brouillard où ta main surgirait


L'effort est à bien peu de frais quand il fait froid

mais il s'avère affreux si l'on effraie son fruit

de nos entrailles on fit confit de ce qu’on broie

du noir écho déconcertant de ce grand bruit

jeudi 28 novembre 2024

De ce qui nous échappe



J'ai piqué dans le reflet de l'eau ton image

afin d’en faire une œuvre aimée que l’on rudoie

l’astre atteint sur la piste étoilée des rois-mages


En brins d'humanité filant entre mes doigts

j’ai tout comblé d’un sable évitant les dommages

embruns d’un océan qui paiera ce qu’il doit


Mon erreur a toujours été de causer trop

bien qu’aujourd’hui je veuille apprendre à filer droit

comment faire autrement quand on est au bistrot

parfois vivre à l'envers est vivre à cet endroit


Charmer c'est envelopper d'amour un bon mot

c’est noyer dans l’alcool un complexe et sa chape

autrement comment faire en étant sans jumeau

nous n'avons de passion qu'en ce qui nous échappe

mardi 26 novembre 2024

De ce qui fit offense



À Béatrice,


Je veux trouver de quoi nous émouvoir un peu

je veux vivre en apnée pour ôter ton parfum

de ma mémoire enflée comme un songe adipeux


Toute attirance en fait n'est qu'un élan défunt

mais je répète en vain ce qu’un singe a dit peu

soyons à l'origine et d’un meurtre à la fin


J’ai récité pour toi des versets singuliers

d’un pluriel extrayant dans la récitation

l’oxygène en ces eaux d’un rythme régulier

je ne suis pas coupable à chaque inspiration


Le son d’un coquillage en regardant la mer

est l’écho bien souvent de ce qui fit offense

en mer amie l'amour à mort est même amer

aimer c'est se souvenir un peu de notre enfance

jeudi 21 novembre 2024

L'intimité des mots



Puisque aucun de nous deux n’a jamais peur du vide

inventons notre histoire afin de la dicter

tu t'ouvrais au levant comme une fleur avide


Un peu comme un livre et qui se serait livré

tu fais tout en marchant de cet air impavide

hypnotisé de toi je me suis addicté


La clarté d'un regard est comme une eau de source

en y plongeant sans fin j’y puise une eau de vie

puis sous ta lèvre en bas je puise mes ressources

et sur la supérieure un rêve inassouvi


Le fruit de nos pensées fut soumis à l'amende

intime ou corrompu peu m’importe il est beau

mais dans nos corps rompus plus rien ne nous commande

énonçons nos pensées en fabriquant nos mots

lundi 18 novembre 2024

Bride abattue



Je sais bien que ta main c’est l’affaire à saisir

aux mouvements portés par l'onde des marées

quand le soir est tombé j’ai senti ton plaisir


En coupant la séquence on vit l’indemne arrêt

chaque illusion d'envie trompe le vrai désir

(un cheval amarine à peine démarré)


J'ai distillé l'amour en de vagues liqueurs

en sentiments confus dont on pose la chape

en vapeurs éthérées qui m’ont brisé le cœur

(un état de nos décisions qui nous échappe)


On s’y perd assez vite et quoique l’on nettoie

dans cette dépression c’est qu’il faut surveiller

toute la pluie que j'éponge en m'allongeant vers toi

la nuit vient à bride abattue nous réveiller

dimanche 17 novembre 2024

Le silence



Nous n'inventons en vrai que des paroles fausses

écrire est pianoter des mots sur un trottoir

et finir au bout du décompte au fond des fosses


Aux lions nous accordons la victime expiatoire

un agneau sacrifié que nos passions défaussent

au roman le récit dont on fait répertoire


À l’adresse indiquée n’était aucun secours

et sur un corps de rude on aime en raide corde

être seul est être en vérité sans recours

aux bouts d'humanité dont nos mains se raccordent


Au départ on ne voit que l'amour en Poème

on se perce à veau l’eau le bidon de six lances

et de flèches d’éclisse aperçues en Bohème

en véritable intimité qu'est le silence

samedi 16 novembre 2024

Le grain de raison



Le grain de raison que l'on cueille au bon moment

s’il est le fruit de nous n’est pas mon seul atout

les grandes amours sont les lignes d'un roman


Nous cherchons à séduire en discutant de tout

nous oublions souvent le pourquoi du comment

nous croyons à l’exploit d’un plus grand Manitou


Notre attirance est-elle une fantaisie pure

un désir est un clignotant qui fait de l'œil

observant maladroit ta fantastique épure

et son carnet perdu dans un lit portefeuille


Il faut aimer sans cesse et sans fesse à céder

je suis à l'apogée de mon attrait pour toi

ce symbole absolu d’une lune obsédée

que le soleil attire en vain comme en Artois

vendredi 15 novembre 2024

Fragments



Ta fleur éclose et dans la rosée de son pré

ma foi tout arrosée de ton génie rampant

sous un ardent soleil lui permit de s’ombrer


Je n’ai pu la cueillir en cuillère et soupant

(s'inventer autrement s'évitant de sombrer)

la promesse est comme un cadeau que l'on suspend


J'ai laissé sur tes yeux le voile du mensonge

et ma tête est tombée d'accord avec le reste

ici quand on est mal on s'imagine en songe

on guillotine ainsi se vantant d’un beau geste


Énoncer des pensées en fabriquant des mots

tous les fragments de toi que je rassemble ont faim

de s’emboîter dans l’autre infinitésimaux

l'illusion de l'amour est un roman sans fin

mardi 12 novembre 2024

À corps et âme



J'ai dépêché dans le bassin de ton regard

un poison merveilleux dont l'encre est de ce bleu

qui fait l’âme amoureuse et le clin d’œil hagard


Un cyanure emprunté sur des bas-fonds sableux

peut-être aussi volé sur le quai d’une gare

on ne sait jamais ce qui déteint quand il pleut


La nuit fournit au lâche un pauvre abri précaire

autour étrangement de nos littératures

et de tous les tracés d’un compas d’une équerre

et d’un itinéraire en sa température


Enfiévré je t’écris sur cette mélodie

la parole est donnée si l’on s’en donne accord

respirer l’air ambiant puis tout ce que l’eau dit

tous deux sont imprégnés du parfum de ton corps

dimanche 10 novembre 2024

Guéridons



J'ai péché sur ta lèvre un oiseau de plaisir

envolé si soudain que ton sourire éteint

n'a gardé que sa flamme allumant mon désir


Et parfumée d’encens ta peau douce en est un

l’attraction d’un corps est née du verbe gésir

où ma vision de nous d’un miroir en est tain


J'avance à coups d'épaule à coups de cœur innés

quand je démets des mots les uns devant les deux

— désarticulant mon pantin mou suriné —

je me ressens parfois très beau (naguère hideux)


Pour nous ensorceler je fais tourner des guéridons

dans des oscillations contre toi démarrées

des vibrations disant ce que la guerre est donc

tandis qu’on se balance au rythme des marrées

samedi 9 novembre 2024

Mercosur



La frontière établie j’ai mis mon tablier

j’étais amoureux d’une amazone à jamais

pendant tout ce temps-là gémit mon sablier


Puis j'ai creusé ma tombe en pensant à l'Art mais

c'est justement pour elle en voulant m'oublier

que perdu dans mon trou je m’étais mal armé


Je chasse en pleine nuit comme un oiseau de proie

le mot qui cherche à m'échapper dans un talus

le vers ayant les dents aiguës d'une lamproie

le verre et l'eau qui coule et tout ce que t'as lu


Liquide argent vif et corrompu parrain

le Mercosur est loin d’être un Eldorado

mexicanisation des désirs un par un

tu deviens déjà ma Méduse et mon radeau

vendredi 8 novembre 2024

Tricotage



La pelote emmêlée j’en défaisais des nœuds

le fil d’Ariane était fragile était en prise

et l'amour un espace infime entre nous deux


Le fils au saint esprit la fille enceinte éprise

en tricotant du verbe on devenait laineux

ces tondus sur le dos cédant à cette emprise


On conçoit l'attirance en n'ayant qu'impression

de beauté déjà vue comme un sexe apposé

des vers que je finis d’un point de compression

pour éviter à l’encre un champ décomposé


L’aiguille à tricoter dans sa veine enfoncée

j’étais bien son poète et je maudis ces maux

que je pense et j’écris qui font sens et font ses

tressaillements divins de nous deux des jumeaux

mercredi 6 novembre 2024

Nova



Je veux boire à nouveau dans le creux de tes mains

l'eau qui me régénère et m'offre les ressources

inouïes de l’énergie que je puise en ton sein


Je veux remonter à toi comme on remonte à sa source

et dis de mes dix doigts tracer dans ton dessein

le parcours étonnant vers toi de ce gros ours


Sur ta lèvre inférieure un baiser survolé

a le goût de celui que l’on fait au miroir

il est l’éclat du but fermé sous ses volets

nos amours ont l’aspect d'oublis dans un tiroir


Et ton sourire unique est mon soleil immense

il brille intensément ma petite Nova

par toi l’écriture est la place où tout commence

aimer c'est s'inventer sans savoir où l’on va

dimanche 3 novembre 2024

Rivage



Dans mon cerveau soudain les trains de mots s'alignent

autant de wagons nus déportés par les nues

victimes d'un passage à la passion maligne


Être un ver à l'envers que le présent dénue

se métamorphoser comme un contact en ligne

est-ce apparaître au bout d'un oppressant début


Je ne suis pas si droit je suis un peu bancal

et j’irais bien pourtant en écrivant ces mots

gratter les sentiments sur tes cordes vocales

aider ta corde sensible aux sens animaux


Trop belle es-tu c’est vrai mais j’aime la bagarre

écrire est ce combat parce que tu m’as plu

mon naufrage abandonne aux feux de ton regard

un rivage absolu que je n'atteindrai plus

vendredi 1 novembre 2024

Samaïn



J'ai rêvé d'horizons de grands feux indécents

de ta peau tiède aimée de mes doigts ambitieux

ma sorcière est bûcher son corps incandescent


J’ai cueilli ce brasier qui me tombait des cieux

météore enflammé vêtu de l’un des sangs

dont j’hérite usurpant cette essence en tes yeux


Notre attrait se décide à coups de foudre et d'eau

d’éléments substantiels en mélange à leur nombre

attisé par la peur et tirant le rideau

la nuit nous ouvre à tous un vrai théâtre d'ombres


Appauvris tous les deux de nos impairs hâtifs

ennuis de Samaïn on parle à nos défunts

l'amour en vrai se conjugue à l'impératif

aimer c'est se donner à la mort à la fin