dimanche 20 août 2023

Amazoniaque





La nuit se pose ici tranquillement sur les eaux peu profondes du lac

écrire est un privilège absolu permettant d'imaginer un monde un peu moins laid

j'essaierai toujours de trouver par mon écriture

un passage atteignant votre instinct.

Tandis que l’émotion s’exilait

je découvrais l’existence improbable

et néanmoins véridique

en Amazonie

de Camille Monfort

accusée de vampirisme

après sa mort

raconter est un isthme

entre le mensonge et la vérité

passer de la gamme à la tessiture

aller du Styx au Léthé

mentir au moins sur son sort

afin d’en trouver le paroxysme

et la longueur de l’intestin.

La beauté d'une femme est un lever de soleil après la nuit du célibat

la beauté des amours est souvent dans leur amour de la beauté

le ridicule ne tue pas, sinon je serais mort depuis longtemps…

Nous ne sommes pas des enfants mais des orphelins que le temps bouscule

que le modernisme émascule

et néanmoins, de temps en temps

nous cédons aux vapeurs d’ammoniaque

infestant nos lits et nos ébats...

Le "Theatro da Paz" était le centre de la vie culturelle amazoniaque

et sa cantatrice à la voix d’or

à la beauté sulfureuse

était française

et se nommait Camille Monfort.

En suscitant des désirs inavouables auprès des riches seigneurs de la région

la jalousie de leurs épouses en raison de son rayonnement

Camille était l’épicentre assumé des tremblements de nerfs.

Elle osait danser nue dans les rues de Belém...

Elle attendait probablement de lire un jour abstrait qu’on l’aime

en traînant dans ses robes en fourreaux sous la lune enceinte

au cœur obscurci de l’encre inutilisée.

Sa pâleur aux reflets sélénites

accusaient son aspect mortifère

— impossible de s’en défaire —

et les vapeurs affirmées de l’absinthe

ajoutaient des fantasmes imbéciles à la vision débonnaire

attendue d’une amante hématophage incidemment.

Dans les sangs mal analysés

comme dans les menstrues

se trouve un infondé :

la haine des femmes et des vues qui s’obstruent

poussant les mâles au bout du mal

et de la femme aile amputée comme un doigt

par une violence animale

empêchant de voler ce qu’elle lui doit

pourtant depuis cette abominable contagion.

Ce que la colère a

se retrouve en chaque humain dominateur

et la belle emportée par le choléra

garde un mystère au sujet de son inhumation :

se trouve-t-elle sous ses stèles ?

On dit parfois qu’elle a 154 ans

qu’elle est toujours aussi belle et qu’elle est abreuvée du sang des vierges et des puceaux d’Europe

en troquant contre un peu de leur sang

l’éternité qui convient à sa magnificence.

Il faut fabriquer de la légende afin de trouver du sens

et faire d’une sainte une salope

il faut faire de Camille une Estelle

et d’Estelle une femme et son humiliation.

Les poésies — celle que je lis, celle que j'écris — m'ont permis de survivre au chaos d'une vie déchiquetée

mais je reste hanté

par ce fantôme et sa beauté

par ce vampire amazoniaque au regard odieux que l’on n’a pu m’ôter.

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